équipe
Il est « tendance » aujourd’hui, chez la plupart des dirigeants d’entreprise, des leaders de parti politique, des meneurs d’associations diverses, bref : des « chefs » de toutes sortes, de mettre en avant la notion d’ « équipe ». Le mot étant ainsi chargé de plein de sous-entendus : on a une équipe parce que l’on a rallié à soi, à sa démarche, à sa gestion, un groupe de collaborateurs dévoués, soudés, convaincus par la justesse de ses idées ; on a une équipe parce que l’on est un responsable charismatique aux indéniables qualités intellectuelles et humaines…
Par ailleurs, et sans pour autant que le « patron » donne trop de pouvoir à ses adjoints, l’existence d’une « équipe » peut permettre de diluer les responsabilités en certaines circonstances.
Équipe a d’abord été un synonyme d’équipage, au sens d’ « équipage d’un bateau », exclusivement. Cette signification est sortie de l’usage, de même que l’acception de « groupe de bateaux ». Via équipage, équipe est lié à équiper, verbe apparu au sens de « naviguer » ou « embarquer » selon certains linguistes, ou au sens d’ « arranger » selon d’autres chercheurs.
Déjà en ancien français le mot désigna des personnes qui pratiquaient ensemble un sport. Plus près de nous (fin XIXe siècle), équipe a repris cette signification, mais avec un sens faisant ressortir la notion de groupe d’équipiers, de coéquipiers, au sein de sports d’équipe.
À la fin du XIXe siècle, le terme prend, avec l’industrialisation, le sens de « groupe de travailleurs, d’ouvriers œuvrant à une même tâche » : travail en équipe, un homme d’équipe, l’équipe de nuit, etc.
Plus récemment, au XXe siècle, équipe devient un équivalent usuel de « bande », de « groupe de personnes », généralement quand il s’agit de parler avec sympathie de personnes familières ou de personnes qui s’amusent, se distraient : « L’équipe d’amis se réunissait tous les vendredis soir au bar de la Marine », « La joyeuse équipe fêtait le mariage d’Audrey »…
Dans la production exceptionnelle du grand cinéaste que fut Julien Duvivier, on ne saurait oublier une évocation douce-amère du Front populaire : la Belle Équipe, film à la distribution remarquable : Jean Gabin, Charles Vanel, Viviane Romance, Aimos (qui sera tué sur les barricades, à Paris, à la Libération), et nombre des grands acteurs qui tenaient constamment les multiples et riches seconds rôles des films d’avant-guerre. Le pessimisme constituant quasiment une constante chez Duvivier, celui-ci tourna une fin tragique. Cela ne plut ni au public… ni aux producteurs. Duvivier et son coscénariste Charles Spaak furent contraints de tourner une seconde fin, « heureuse »…
À notre connaissance, à la suite de différents procès, seule la version d’origine a, aujourd’hui, le droit d’être exploitée. En revanche, les ayants droit autorisent peut-être, dans le cadre d’animations consacrées à l’histoire du cinéma, la diffusion des deux fins.
Et, bien sûr, c’est la réprobation, la critique ou l’ironie, voire le mépris, qui peuvent sous-tendre des exclamations du type : « Tiens ! Voici la fine équipe ! », dont la valeur sera renforcée par le ton employé !
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Sympathique première dictée à Tourcoing, samedi dernier, à la médiathèque André-Malraux. Plusieurs amis belges du club d’orthographe Le Cercle d’or étaient venus y participer.
Ce même jour, les quelque 500 finalistes du Championnat national du Maroc de langue française et d’orthographe s’affrontaient à Casablanca, dans une joyeuse ambiance dont se félicitent encore les parents d’élèves et les enseignants.
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La citation du jour :
« L’historien est un prophète qui regarde en arrière. » (Henri Heine.)
[Je suppose que Heine parlait de vrais historiens, et non d’histrions qui cherchent à faire le « buzz » avec des hypothèses aventureuses et des anecdotes croustillantes…]