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Le mot du 10 décembre 2014

principauté

            Le  « Rocher »  est en joie, ainsi que les chroniqueurs (surnommés parfois « les Petits Frères et Petites Sœurs des riches ») férus de châteaux et de titres ronflants : Son Altesse Sérénissime la princesse Charlene de Monaco a donné naissance à des jumeaux !

            La principauté de Monaco suscite, on le sait, des sentiments très divers, antagoniques : paradis fiscal, voire « État voyou », pour certains ; vraie démocratie, séjour paradisiaque pour ceux qui y sont nés, qui sont venus y résider (surtout des privilégiés fortunés), et entretenant le rêve, pour d’autres.

             Il  n’y  a pas de raison de mettre de majuscule à principauté quand  on  dit « principauté de Monaco », même si le terme pourrait relever des cas de majuscules « d’unicité » adoptées lorsque l’on parle de quelque chose n’existant qu’à un exemplaire à l’échelle de la planète, d’un continent, d’un sous-continent, d’un pays, etc. Monaco est en effet – à part quelques micronations anecdotiques peu connues : voir ci-dessous – la seule principauté médiatisée de façon notable. En Europe, en tout cas…

              Employé au sens absolu, pour parler de Monaco, donc, il devrait y avoir cette majuscule dans : la Principauté. Mais les usages orthotypographiques varient, en l’occurrence, et toutes les « marches maison » ne ratifient pas cette capitale.

              Principauté, ce ne saurait être une surprise, dérive de prince et du vieux français principalité, qui aurait évolué sous l’influence de royauté. Le terme eut autrefois l’acception de « dignité de prince, pouvoir d’un prince ». Dans la religion catholique, et selon la classification de saint Thomas, les principautés (ou : les Principautés) constituaient le premier ordre de la troisième hiérarchie céleste…

       De temps à autre, un individu ou un groupe d’individus ont érigé en principauté une parcelle de terre : ainsi la principauté de Hutt River, en Australie-Occidentale, fondée en 1971 par un propriétaire de plusieurs exploitations agricoles en bisbille avec les autorités : Leonard George Casley. Ce dernier, devenu « prince Leonard Ier » et ayant réparti titres nobiliaires et attributions ministérielles entre les membres de sa famille, a émis des timbres, de la monnaie, et même des passeports, sans que le gouvernement australien ne s’émeuve beaucoup. (J’ai raconté l’histoire de ce micro-État dans Curiosités et énigmes de l’Histoire [édit. Albin Michel].)

          Dans les années 1950, en Italie (Ligurie), des habitants de la ville de Seborga revendiquent l’indépendance de leur commune, d’après un statut très ancien de leur localité. Aujourd’hui, cette  principauté de quelque trois cents habitants a pour monarque constitutionnel un promoteur immobilier, Marcello Menegatto, intronisé en 2010 sous le nom de Marcello Ier… La justice italienne n’a pas vraiment tranché l’affaire, car l’État a perdu trois procès contre Seborga, qui, elle, a saisi la Cour européenne des droits de l’homme pour faire valoir ses droits à l’indépendance. Cette « comédie à l’italienne » n’est donc pas terminée…

        Le compositeur Edmond Audran est surtout connu pour son opéra-comique, ou opérette, la Mascotte, dont l’intrigue se déroule dans une… principauté italienne imaginaire :   Piombino, où règne Laurent XVII. La « mascotte » en question est une jeune bergère, Bettina, qui porte chance à ceux qui la prennent à leur service, à condition qu’elle reste vierge. Laurent XVII, dont les États ne sont pas au mieux, l’engage, voulant profiter des dons de la jeune fille, et va tout faire pour qu’elle demeure pure !