Archives de Catégorie: De K à O

Le mot du 26 août 2016 (2)

L’expression du jour

 

« Jeter le chat aux jambes de quelqu’un. »

             C’est-à-dire susciter des embarras. En particulier, rejeter sur quelqu’un la responsabilité d’une affaire.

 

(Cf. « Donner sa langue au chat » et autres expressions félines,  J.-P. Colignon, First éditions, 2,90 euros.)

 

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L

Prononciation de « lacs »

« Lak » ou « la » : quelle est la prononciation correcte du mot « lacs » (« tomber dans le lacs ») ?  Telle est la question émanant du secrétariat général d’une municipalité du sud de la France…

Le mot « lacs » (qui prend un « s » final même quand il est au singulier) est de la famille de « lacet », et désigne un cordon, un collet de chasse ou de braconnage. Il se prononce « lâ », le « c » et le « s » étant muets (comme dans « entrelacs »).

La mauvaise prononciation est due à la confusion entre « tomber dans le lacs » (= tomber dans le piège) et « tomber dans le lac » (= tomber à l’eau, échouer [projet, affaire, etc.] ).

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« Lagon » ou « lagune » ?

Une de nos anciennes élèves correctrices s’interroge sur l’éventuelle synonymie de « lagon » et de « lagune« , car elle dit ne pas s’y retrouver après avoir consulté un certain nombre d’ouvrages…

Il est vrai que la lecture de différents dictionnaires (tout court) et dictionnaires de difficultés laisse perplexe !

Le nom commun masculin lagon ne s’emploie que pour désigner une étendue d’eau marine enfermée ou séparée par des formations coralliennes.

Le Grand Larousse encyclopédique en 10 vol. + 2 estime que ce mot, qui vient de l’espagnol lago, « lac », « désigne aussi bien la nappe d’eau enfermée par un atoll que celle qui se trouve entre un récif-barrière et la côte ». Mais Robert a déclaré « abusive » l’acception « lagune centrale d’un atoll ». Ce qui est tout le contraire d’A. V. Thomas, Dictionnaire des difficultés de la langue française, qui dit : « Un lagon est l’étendue d’eau qui occupe le centre d’un atoll (en ce sens, il est souvent confondu avec lagune) « .

Le Petit Robert remarque : « lagune […], étendue d’eau centrale d’un atoll (parfois confondu avec lagon)« . Si l’on va chercher dans Quillet, on y voit que le lagon est une nappe d’eau qu’isole plus ou moins un cordon corallien côtier, ou bien que c’est le petit lac central d’un atoll !

On le voit : la terminologie n’est pas très unifiée… Contradictoire, même. Si l’on se reporte au volume Océanie de la fameuse Géographie universelle de P. Vidal de La Blache et L. Gallois (A. Colin, Paris, 1930), on constate que le seul mot utilisé par l’auteur (Paul Privat-Deschanel) est lagune.

Notons au passage que lac, lagune et lagon (… et même lacune) ont une seule et même origine latine (lacus, « lac ») et grecque (lakkos, « bassin »), d’où lagon est arrivé en français par l’espagnol et lagune par l’italien, tandis que l’allemand adoptait Lagune et l’anglais lake et lagoon

Devant les contradictions entre lexicographes, qui reflètent évidemment des emplois divers du mot lagon, nous nous en tenons donc à la définition que nous donnions de ce mot au début de notre réponse.

Quant à lagune, nous dirons que l’on entend généralement par ce terme une étendue d’eau marine isolée par un cordon littoral, ou un petit lac s’inscrivant dans un lieu marécageux.

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« Le peu de » (accord avec)

Un internaute assidu souhaiterait vivement nous voir trancher entre le singulier et le pluriel dans la phrase suivante : « Le peu de kilomètres parcouru(s) dans la journée n’a pas (n’ont pas) permis aux randonneurs d’atteindre le gîte… ».

L’accord avec « le peu de«  suscite régulièrement des hésitations et des interrogations… Littré disait que cela dépendait entièrement « de la pensée de celui qui parle ». Les grammairiens contemporains restent sur cette position de souplesse, en indiquant que l’on optera en principe   –  pour le verbe  –  pour le singulier ou pour le pluriel selon que le locuteur veut insister sur l’idée de manque ou sur une notion positive exprimée par le complément au pluriel… « Le peu de connaissances qu’il a acquis n’a pas suffi à lui faire passer son examen »; « le peu de connaissances qu’il avait acquises lui ont permis d’obtenir son brevet supérieur ». Toutefois, même en mentionnant le même raisonnement, certains maintiennent le verbe au singulier, en faisant porter la différence d’orthographe uniquement sur les participes passés : « Le peu de connaissances qu’il avait acquis [ou : acquises] n’a pas [ou : a ] permis… »

Dans l’exemple soumis par notre correspondant, nous préférons nettement mettre au pluriel « parcourus » (accordé sur « kilomètres »), mais en gardant le singulier pour le verbe puisque la notion est celle d’un manque, d’une quantité insuffisante de kilomètres parcourus…  =  « Le peu de kilomètres parcourus dans la journée n’a pas permis aux randonneurs d’atteindre le gîte. »

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Métis ou métis

            Une de nos anciennes stagiaires n’hésite pas trop sur la majuscule à mettre à Blanc et à Noir quand ces termes désignent des êtres humains, mais s’interroge sur le mot métis. S’agit-il d’un terme exigeant la capitale ?…

            Effectivement, la majuscule est obligatoire lorsque Blanc et Noir sont employés pour parler de personnes de race blanche ou de race noire : les petits Blancs de Louisiane, le jazz fut créé par les Noirs…

            En revanche, métis(se) est un nom commun et adjectif, comme mulâtre(sse). Il n’y a donc aucune raison, et cela n’est en aucune façon péjoratif ni désobligeant, de vouloir y mettre une capitale initiale : des métis de nationalité mexicaine, de joyeuses métisses.

23 juin 2014.

M

Maison d’Orange, d’Autriche, d’Espagne…

Des correctrices d’un hebdomadaire se demandent s’il faut mettre une majuscule à « Maison » dans les expressions « Maison de Hollande », « Maison d’Autriche », « Maison d’Espagne »…

L’orthotypographie est une matière qui exige de la rigueur, une grande rigueur, mais à laquelle doit être associé un bon zest de souplesse au regard des divers contextes…

Dans des ouvrages d’histoire, dans des journaux consacrés au gotha, dans des articles spécialisés, on peut accepter de bonne grâce la capitale à « Maison« , bien que cela ne soit pas une obligation… En dehors de ces cas d’espèce pour lesquels on peut montrer de la compréhension, la minuscule doit être la norme.

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Majuscule ou minuscule ?

Une jeune correctrice nous demande s’il faut, ou non, mettre une majuscule au mot histoire dans la phrase suivante : « Tout au long de l’histoire, l’art turc a toujours appris […].

Oui, car ici le terme est pris au sens absolu – ce qui en fait un nom propre – de « histoire du monde depuis la Création, depuis la naissance d’une nation »… Le mot n’a pas, en la circonstance, l’acception de « récit d’une aventure, compte-rendu d’un fait, anecdote… ».

Donc, bien faire la différence entre : « Ce genre de soulèvements paysans est survenu souvent dans notre Histoire » et « Le recours aux quiproquos est excessivement pratiqué par cet écrivaillon dans son histoire ».

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« Une marennes »…

Faut-il vraiment, s’agissant de l’huître, écrire « une marennes » ?, s’étonne une amie de Rennes.

Eh oui : le nom de la commune de Charente-Maritime à juste titre rendue célèbre par ses excellentes huîtres devient ici un nom commun obtenu par ellipse… Une « marennes » = une « huître élevée à Marennes« , la minuscule devient obligatoire (cf. « un camembert » pour « un fromage de Camembert ») et le maintien du « s » final est également une obligation logique.

Attention à l’homonyme « marraine » : « Ma marraine d’Oléron nous a envoyé une bourriche de marennes« …

Il existe des paronymes qui sont homographes entre eux : LA Maremme est une région d’Italie, du latin « maritima » : « terre située près de la mer », tandis que LE Maremme est un pays aquitain situé entre le Marensin, le Seignant et la Chalosse.

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N

« Ni l’un(e) ni l’autre » (accord du verbe avec)

« Doit-on mettre le verbe au singulier ou bien au pluriel quand le sujet est « ni l’un(e) ni l’autre » ? », s’interroge un jeune secrétaire de rédaction de la PQR (presse quotidienne régionale).

Eh bien [noter l’interjection « eh », souvent transformée erronément en « et »], c’est ad libitum, généralement : « Ni l’un ni l’autre ne viendra » ou « Ni l’un ni l’autre ne viendront »; »Ni l’une ni l’autre ne sait chanter » ou « Ni l’une ni l’autre ne savent chanter ». Fort évidemment, le singulier s’impose si l’un des sujets exclut nécessairement l’autre, s’ils ne peuvent prétendre tous deux être ou faire ce qu’exprime la phrase : « Ni l’une ni l’autre n’est sa mère ». Le pluriel est absolument obligatoire si le verbe est placé devant, avec un pronom personnel :

  » Elles ne dansent la valse ni l’une ni l’autre« .

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« Nous majestique » (le)

« Ce spectacle nous a laissés froid » : tel est le texte relevé dans un journal belge par un lecteur attentif, qui s’interroge sur la discordance entre « laissés » et « froid », et qui nous demande s’il n’aurait pas fallu mettre tout au singulier (le « nous majestique »), puisque c’est un critique théâtral qui s’exprime…

Passons rapidement sur la « coquille » qui a abouti au monstre « laissés froid », évidemment erroné…

Tout comme il y a le « nous de majesté » (en France, on ne dit pas « nous majestique ») employé par un monarque, un prince, un empereur…  (« Nous, Isidore II, sommes attristé par la situation de nos sujets résidant en… »), il existe, pour les écrivains mais surtout pour les journalistes, le « nous de modestie », censé exprimer la distance prise par un observateur face à une situation, un acte, etc.  « Nous nous sommes rendu dans la capitale dévastée par les émeutiers… ». Le « je » est en principe haïssable, car peu modeste…, quand un journaliste parle ou écrit…

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 « nouvelle vague (la)« 

« Quel traitement orthotypographique doit-on adopter pour le groupe de cinéastes français que l’on désigne par « nouvelle vague » : Truffaut, Godard, Chabrol, Demy…? », nous demande une amie éditrice.

La question porte donc sur le choix entre des minuscules ou des majuscules, le recours à l’italique, la mise entre guillemets, etc., pour cette dénomination bien connue. La perplexité de notre correspondante est bien légitime : le Petit Larousse illustré n’a-t-il pas une entrée intitulée nouvelle vague, en caractère gras, avec deux minuscules et sans guillemets, alors qu’à l’article « Truffaut » ce même dictionnaire écrit « nouvelle vague«  avec deux minuscules ET des guillemets.

– La mise en italique  ne serait pas orthodoxe; de plus, l’italique sert déjà pour beaucoup de choses. Nous écartons cette option.

– L’adjectif précédant le nom dans cette dénomination, deux majuscules peuvent être indiquées dès lors que l’on voit ici un surnom, donc un nom propre, d’école, de cercle, de chapelle du cinéma. D’où :

       Godard, Chabrol et Truffaut demeurent les têtes de proue de la Nouvelle Vague

– La variante « Nouvelle vague » est à exclure : derrière l’adjectif en majuscule on ne saurait avoir un substantif avec une minuscule. L’autre variante « nouvelle Vague » est à rejeter : ce n’est pas le troisième ou quatrième  avatar d’un mouvement s’appelant « Vague ».

– La version avec deux minuscules sans guillemets n’est pas satisfaisante : l’expression est alors complètement banalisée, ne désigne pas précisément ce petit groupe de cinéastes; elle peut s’appliquer à n’importe quelle mouvance censée apporter du nouveau… Mais le contexte l’explicite !, nous objectera-t-on. Cela n’est pas certain, et dépendra de la formulation des phrases…

– Reste une variante très acceptable : la mise entre guillemets, en laissant deux minuscules… Deux minuscules si l’on se dit que ce n’est pas vraiment une dénomination officielle, mais un surnom donné à ce groupe par des journalistes. Les guillemets précisent alors de qui il s’agit, ce ne peut plus être une… vague dénomination.

Personne n’y verra des guillemets-« pincettes » signifiant qu’il ne s’agit nullement d’une « nouvelle » vague…

–  Le cumul deux majuscules plus guillemets est excessif, et ne peut être retenu.

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O

ouate (élision ou non)

Un fidèle correspondant s’interroge : « Faut-il, ou non, faire l’élision avec le mot ouate : « de la ouate » ou bien « de l’ouate » ? »

         La totalité des dictionnaires généraux usuels et des « dictionnaires de difficultés » contemporains admettent l’élision ou l’absence d’élision, semble-t-il. Ad libitum, donc ! Une chanson à succès des années 1980, au vocabulaire minimaliste, avait opté pour « c’est la ouate  (qu’elle préfère) »…

            Mais, au pluriel, il ne semble pas que, dans la langue courante, l’on fasse l’élision : ils sont revendeurs de ouates cardées (et non « d’ouates cardées »). Et la liaison n’est pas observée : « des ouates », et non « des (z’)ouates »…

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« ovalie (l’)« 

Peut-on mettre une majuscule à « Ovalie » ?, nous demande une jeune journaliste…

Pour les férus de rugby, le monde du ballon ovale s’appelle l’ « Ovalie« . Ce mot devient donc en quelque sorte le nom propre de cette planète sympathique, et la capitale s’impose, rendant superflus (mais non interdits), dans ce cas, les guillemets. Adopter la graphie avec minuscule initiale n’est pas interdit, mais alors la mise entre guillemets est nettement à préférer.

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