Le point de grammaire du jour : « ce qu’on appelle… »
J’enfoncerais une porte ouverte si je disais que de nombreux points d’accords grammaticaux plongent dans l’embarras les meilleurs linguistes et grammairiens… Il ne faut pas hésiter à reconnaître ses propres doutes et perplexités, qui subsistent même après avoir consulté les ouvrages des lexicologues et lexicographes les plus réputés.
On reproche très souvent à Maurice Grevisse de ne pas trancher, alors que ses lecteurs attendent de lui qu’il fournisse dans son énorme Bon Usage une réponse « carrée » tirant sur-le-champ de l’embarras ceux qui consultent sur leur lieu de travail son remarquable ouvrage. Le Bon Usage est un extraordinaire recueil, mais qu’il faut lire surtout quand on a du temps devant soi, tellement le texte est dense et riche de milliers de citations. Cette richesse, justement, amène l’auteur à excessivement « botter en touche » en citant des dizaines d’exemples d’écrivains allant dans un sens et des dizaines d’autres allant dans un autre ou dans d’autres sens. Il y a pourtant un bon nombre de cas qui peuvent amener une réponse claire s’appuyant sur le raisonnement et sur la force d’un usage uniquement contemporain.
Toutefois, l’hésitation de Grevisse et d’autres linguistes faisant autorité se comprend, par exemple quand la règle stricte, orthodoxe, est contrebattue par l’usage, par la majorité ou par un bon nombre d’écrivains contemporains de qualité…
Prenons le cas des sujets constitués d’une proposition relative introduite par ce que ou par ce qui… Plus particulièrement, les sujets du type ce que l’on appelle + attribut du complément d’objet. Rigoureusement, l’accord doit se faire sur le pronom démonstratif ce, qui, lorsqu’il est suivi de que, est neutre et implique l’accord au singulier : le sujet complet est, en réalité, la proposition ce que l’on appelle. Dans l’exemple suivant, le bon accord impose donc : « C’est le plus souvent autour d’un journal que se développera ce qu’on appelle les mouvements de résistance* » (extrait d’un article de presse portant sur les débuts de l’Occupation). Mais, dans le quotidien national où l’on trouvait cette phrase, l’accord avait été fait sur mouvements : « … que se développeront ce qu’on appelle les mouvements de résistance ». Ce qui rejoint des accords au pluriel comparables adoptés par des écrivains. Ma foi, le « ad libitum » me tente assez.
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- Minuscule à résistance dans un (des) mouvement(s) de résistance, mais majuscule obligatoire dans un (des) mouvements de la Résistance.
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