Archives mensuelles : novembre 2014

Le mot du 26 novembre 2014

intempéries

            Le mot qui revient peut-être le plus souvent dans les médias comme dans les conversations, ces jours-ci en France, est sans doute intempéries. Les conditions climatiques détestables qui frappent continûment le Languedoc-Roussillon et la Provence, la Côte d’Azur et aussi la Corse, frappent les esprits par leur violence et par leur récurrence… Non seulement les dégâts matériels sont énormes, mais il faut déplorer des morts.

            Les zélateurs du soleil et les adorateurs de la grosse chaleur vont peut-être finir par  se rendre compte que le réchauffement climatique constant coïncide avec la recrudescence des épisodes de catastrophes, qu’ils soient cévenols ou autres. Nombre d’experts… frileux, à la prudence de Sioux pusillanimes, qui depuis des années refusaient d’admettre l’existence du réchauffement (« il n’y a pas encore assez d’années d’études pour pouvoir affirmer l’existence de ce phénomène », etc.), prennent maintenant en marche le train des évidences. Et l’on va peut-être réfléchir sérieusement, maintenant, aux multiples aménagements à mettre en œuvre sans tarder pour éviter, ou limiter les conséquences – surtout pour les êtres vivants –, des prochains épisodes du dérèglement climatique. La lutte contre les effets ne devant pas occulter, bien sûr, la recherche des causes, de toutes les causes.

            Presque exclusivement cantonné à l’acception, au pluriel, de « mauvaises conditions climatiques », de « rigueurs du climat », intempérie désigna autrefois une « mauvaise constitution des humeurs du corps », et le Dictionnaire de l’Académie entérinait alors un exemple comme : « Cet homme est malade d’une intempérie d’entrailles ».

            Au sens figuré, le vocable eut la signification, assez courante, au XIXe siècle, de « dérèglement d’ordre psychique et moral » : « Ce serait parfait, s’il ne fallait pas compter avec les intempéries de sa cervelle » (Huysmans). Autre acception, aujourd’hui délaissée par les écrivains : « malheurs de la vie, épreuves, grands soucis… » (« À l’abri des intempéries de la vie, dans cette propice atmosphère de douceur ambiante », Proust). Rien ne s’oppose, naturellement, à la reprise de cette signification par des auteurs contemporains.

Le mot du 25 novembre 2014

« taupes »

       Il y aurait donc, au palais de l’Élysée, un ou plusieurs individus qui ne seraient pas au… « top » question loyauté, droiture, probité. Profitant de leur proximité avec le chef de l’État, ces employés  félons ou ces hauts fonctionnaires indélicats, héritage du précédent locataire des lieux, dit-on, auraient subrepticement photographié M. François Hollande et l’actrice Julie Gayet, assis à une table sur la terrasse des appartements présidentiels. Ces photos volées, puisque prises à l’insu des deux personnes – nul ne prétend le contraire, sauf erreur : ce ne serait donc pas une « fausse paparazzade »  –,  se sont retrouvées dans l’hebdomadaire Voici.

            Cette « taupe » ou ces « taupes »… observatrices (ce qui est un comble, un oxymore, pour un animal à la vue très basse !)  étaient-elles en service commandé au profit d’un adversaire politique du président de la République ?…  Au service d’un parti politique ou d’un mouvement apolitique ?… Ou bien l’auteur des clichés, sûr de monnayer ceux-ci très cher auprès d’une certaine presse, était-il seulement inspiré par la cupidité, par l’appât du gain ?…  Il faudra attendre un certain temps, peut-être, avant d’avoir le fin mot sur ce qu’il serait excessif d’appeler un « Watergate ». Quoique la démarche du ou des photographes, et du ou des commanditaires, pourrait évoquer quelque peu…

            Taupe a de multiples acceptions,  parmi  lesquelles  celle  d’ « espion »,  de « sous-marin », c’est-à-dire de personne infiltrée au sein d’un quelconque milieu pour l’épier, observer, surveiller, etc. Et cette signification même est multiple, puisqu’il peut s’agir d’un membre des services spéciaux d’un État, ou bien d’une personne qui cherche à nuire en secret à un groupement, à une société, à une firme (espionnage industriel), à une association rivale, à un mouvement politique adverse…

            L’emploi de taupe au sens d’  « espion » semble s’être vraiment répandu seulement à compter des années 1980. Et, de même qu’il existe l’espionnage et le contre-espionnage, et qu’il y a eu, lors des guerres de l’Ouest, les chouans et des contre-chouans, on note l’emploi de « contre-taupes » particulièrement chargées de détecter les « taupes » dormantes ou actives…

            Les expressions liées à l’animal renvoient à son mode de vie : vivre comme des taupes (vivre de façon très casanière), partir pour le royaume des taupes (mourir, se retrouver six pieds sous terre), ou à son aspect : noir comme une taupe ; à ses particularités physiques, aussi : être myope comme une taupe.

Le mot du 24 novembre 2014

coiffer sainte Catherine

          Demain mardi 25 novembre, ce sera la Sainte-Catherine.  Il faut sans doute rappeler – ou apprendre – à un certain nombre de personnes que les noms de fêtes, étant des noms propres, s’écrivent obligatoirement, en français, avec deux majuscules et un trait d’union : les feux de la Saint-Jean, les noubas de la Saint-Sylvestre,   célébrer  la Saint-Nicolas… Le mot  Saint(e)  ne  s’abrège  jamais  en  « St(e) », sauf dans les calendriers, en raison de la faible largeur (en jargon de l’imprimerie, du livre et de la presse : la justification) des colonnes.

            Lorsque l’on parle des saints ou des saintes eux-mêmes, saint est un nom commun, sans majuscule par conséquent, et il n’y a pas de trait d’union : D’après les dictons, si saint Médard est un grand pissard, saint Dié dissipe les nuées et saint Clair fait le temps clair !  Une seule graphie correcte, donc, pour la phrase suivante : La Sainte-Catherine est la fête de sainte Catherine.

            Coiffer sainte Catherine est une expression fort ancienne (Moyen Âge) faisant allusion à sainte Catherine (d’Alexandrie), morte en martyre, et en état de virginité. Elle est la patronne des jeunes filles, aussi des étudiants, des philosophes… et des meuniers. Parce que les belles meunières sont immaculées, de par la farine !?…

            Cette expression s’applique donc, rigoureusement, à une femme qui arrive à l’âge de vingt-cinq ans sans être mariée… et en état de pureté (dont sainte Catherine est le symbole, ne serait-ce que par son nom : n’y a-t-il pas un lien étymologique avec les « purs » : les cathares !).

            Une ancienne tradition, à Paris, veut donc que les… « catherinettes » portent pour la Sainte-Catherine un chapeau amusant créé pour la circonstance – la tradition est particulièrement vivace dans le milieu de la mode, chez les midinettes – où figurent obligatoirement le jaune de la foi et le vert de la connaissance. Et les catherinettes devaient venir réellement coiffer, ce jour-là, la statue de sainte Catherine…

            Alors que l’on trouve, selon les dictionnaires, les variantes coiffer sainte Catherine et coiffer Sainte-Catherine, c’est la première qui apparaît comme la plus normale, même si l’on peut considérer que, en dépassant la date du 25 novembre, les jeunes femmes, en quelque sorte, « coiffent » la Sainte-Catherine, comme on dit, en sport, « coiffer sur le poteau », c’est-à-dire « dépasser ».

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            La parution récente et successive du Petit abécédaire de la Grande Guerre (édit. Trédaniel, Le Courrier du livre) et des Petits soldats, héros de la Grande Guerre, avec des illustrations de Jean Bruneau (édit. Trédaniel, Contre-Dires) me vaut d’être convié, en dehors de la présence en tant qu’auteur au Salon du livre de Boulogne-Billancourt (Espace Landowski, 6 et 7 décembre), à participer à une table ronde sur la Première Guerre mondiale animée par Philippe Delaroche, directeur adjoint du magazine Lire. Avec peut-être le plaisir d’y voir un certain nombre des lecteurs du présent site.

 

 

Le mot du 22 novembre 2014

huée

         MM. Hollande et Juppé ont eu droit au même traitement samedi 22 novembre 2014 : l’un à Lille, en arrivant au restaurant pour y déjeuner avec Mme Martine Aubry ; l’autre en son fief pourtant, à Bordeaux, lors du meeting de l’UMP, dans un lieu appelé le Hangar 14, sur les quais. Tous deux ont été sifflés, hués… La part de la spontanéité est contestable,  surtout dans le second cas.

            Huée est un vieux mot, et l’acception de « cri, vocifération, marquant la désapprobation, l’hostilité » remonte à plusieurs siècles. À l’origine, il y a eu… hu, « bruit, clameur confuse », d’où huée, tout d’abord terme employé dans le domaine de la chasse, pour désigner les cris poussés par des chasseurs (voire par des pêcheurs !) levant, rabattant, poursuivant un gibier. Avec des intentions contradictoires : il s’agissait soit de faire apparaître et déguerpir les bêtes ; soit de les figer, de frayeur, en un lieu circonscrit. L’objectif, de toute façon, étant de les capturer ou de les tuer.

            L’emploi au singulier, au sens de « clameur générale », est quasiment sorti de l’usage, et chacun utilise aujourd’hui le pluriel : être accueilli par des huées, sortir sous les huées de l’assistance.

            Maurice Genevoix, qui maîtrisait bien, entre autres, le vocabulaire des régions, de la terre et des forêts, de la faune, a employé huée avec l’acception de « cri des oiseaux nocturnes » : « Ce sont […] des huards, aussi virtuoses dans la plongée que dans la huée » (Route de l’aventure). Cela rejoint les hululements, ou ululements – venus de hurlement – des oiseaux rapaces nocturnes…

            C’est du même hu mentionné plus haut qu’est venu le mot invariable hue !,  cri poussé par les charretiers pour faire avancer un cheval… ou que l’on emploie à l’égard d’individus afin de les encourager. Ainsi le caporal mentionné par Henri Barbusse dans son chef-d’œuvre témoignage sur la guerre de 1914-1918, le Feu : « « Tout le monde y est ? Hue ! », dit le caporal. »

            Les personnes huées trouvent-elles dans ces manifestations d’hostilité un surcroît d’énergie, de combativité, proportionnel à l’intensité des sifflets ?…

 

 

 

Le mot du 20 novembre 2014

bourreau 

            La sinistre actualité met au premier plan des termes récurrents le mot bourreau. La définition de celui-ci ne peut être que la suivante : « Personne exerçant des tortures physiques sur d’autres personnes, généralement sans défense ; personne tuant avec cruauté des êtres sans défense ».

            En dehors des causes et des explications sempiternellement rabâchées ces jours-ci, de vrais responsables politiques, voire les citoyens en général, devraient s’interroger sur la banalisation – pour ne pas dire la valorisation – de la violence, de la cruauté, des atrocités, de la sauvagerie, de la bestialité, de la barbarie, des crimes, via des films, des téléfilms, des jeux vidéo… Et que l’on ne vienne pas défendre ces derniers sous de fallacieuses références à la liberté d’expression !

            Seules les personnes ingénues, et qui n’auraient pas participé à des conflits, à des guerres, qui n’auraient jamais eu connaissance des mots d’ordre donnés à des combattants, peuvent s’étonner, s’émouvoir, que des extrémistes s’en prennent à des « humanitaires ». Bien au contraire, cela est « logique » : ceux qui se dévouent auprès de peuples déshérités, de populations dans la souffrance, sont une grande gêne pour des fanatiques primaires qui, voulant éliminer toute civilisation, prétendent que tous les « autres » sont des colonisateurs, des exploiteurs… ou, à leurs yeux d’illuminés, des « mécréants ».

            Bourreau vient de bourrer, au sens de « frapper quelqu’un ou quelque chose », puis « taper à coups répétés ». Cet emploi au sens absolu a laissé la place à « bourrer de coups », « bourrer de coups de poing », etc. : Le truand trop bavard a été bourré de coups par ses acolytes.  « Bourré de coups »  équivaut à « accablé de coups », chacun le sait. En revanche, nombre de personnes ignorent l’existence de bourrelé(e), terme pourtant correct, licite, au sens de « torturé comme par un bourreau » : Elle est bourrelée de remords.

            Le féminin bourrelle a désigné autrefois la femme du bourreau, ou bien une femme exerçant la fonction de bourreau. En principe, une bourrelle était préposée à l’exécution de certaines peines infligées à des femmes. Dans Monsieur de Lyon (on disait : « Monsieur de Paris », pour désigner l’exécuteur des hautes œuvres de la capitale), la romancière Nicole Avril dépeint un bourreau… qui pourrait bien être une bourrelle.

            La légende raconte que, chez son boulanger, le pain destiné au bourreau de Paris était retourné, afin que personne d’autre n’y touche.

            Au sens propre, bourreau a désigné l’exécuteur des arrêts de justice. Athos fait appel à celui de Béthune pour expédier ad patres la maléfique Milady de Winter, entre autres coupable d’avoir empoisonné Constance Bonacieux (Alexandre Dumas, les Trois Mousquetaires).  Le catcheur Jacques Ducrez, qui, par plaisanterie, a pris ce surnom de « Bourreau de Béthune », a fait partie des populaires professionnels qui se livraient, devant les caméras de la télévision, dans les années 1950-1960, à des matchs qui relevaient plutôt des sketchs désopilants. (Pour autant, il s’agissait de vrais pros qui, tout en évitant, si possible, de se blesser, s’affrontaient en des prises acrobatiques…)

            Le chansonnier Jean Rigaux (1909-1991), qui fut très populaire lui aussi, surnomma un jour « le bourreau de mes thunes » un ministre des Finances. N’oublions pas la fameuse réplique « Bourreau d’enfant ! Bourreau d’enfant ! » d’un des plus drolatiques sketchs de l’humoriste Fernand Raynaud.

            Bourreau figure dans un certain nombre d’expressions du passé, comme : être insolent comme le valet du bourreau, « être d’une insolence extrême, cynique » ; Se faire payer en bourreau, « se faire payer d’avance » ; Être paré comme un bourreau qui est de fête, « être bien vêtu, alors que l’on n’a pas coutume de l’être ».

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Comme chaque année, je serai présent au Salon du livre de Boulogne-Billancourt, à l’Espace Landowski, à côté de la mairie, les samedi 6 et dimanche 7 décembre, de 14 h à 19 h.

Le tout nouvel ouvrage, sorti cette semaine : Petits soldats, héros de la Grande Guerre (éditions Contre-Dire / Trédaniel), illustré par des vignettes du peintre et dessinateur nantais Jean Bruneau (†), qui fut membre de l’Académie de Bretagne, président des Amis du musée (maritime) des Salorges, fera l’objet d’une présentation par la grande librairie nantaise Coiffard, avec le soutien de l’Académie de Bretagne et des Pays de la Loire, le samedi 17 janvier, en présence des fils de l’artiste.

Le mot du 19 novembre 2014

villages Potemkine 

            Lors de l’interview sur France Inter, ce mercredi 19 novembre 2014, de  M. François Rebsamen, ministre du Travail, de l’Emploi, de la Formation professionnelle et du Dialogue social (… n’en jetez plus ! ☺ ), le journaliste Patrick Cohen, volontairement quelque peu provocateur à partir de questions et de remarques d’auditeurs, a évoqué d’éventuelles « agences Potemkine » au sujet de Pôle emploi.

            Issu de la fusion entre l’ANPE – l’Agence nationale pour l’emploi – et les Assedic, Pôle emploi est un EPA (établissement1 public à caractère administratif) chargé de l’emploi en France. En cette période de grandes difficultés socioéconomiques, l’établissement est évidemment l’objet de vives et nombreuses critiques, et beaucoup de chômeurs dénoncent son inefficacité, son impuissance. Dans l’expression de cette condamnation il faut tenir compte – par équité à l’égard des fonctionnaires travaillant à Pôle emploi – des excès, des propos injustes, entraînés par le désespoir et par l’angoisse.

         La référence au dénommé Potemkine, si elle a été bien comprise du ministre, a peut-être échappé à un certain nombre d’auditeurs… Grigori Potemkine (1739-1791), militaire et homme d’État, fut, des amants successifs de la Grande Catherine (l’impératrice Catherine II), celui qui joua le plus grand rôle. Même si sa personnalité est très controversée – qui l’emportait chez lui, de l’autocrate vivant dans le luxe ou de l’administrateur guidé par l’esprit des Lumières ?… –, il a joué un grand rôle dans l’histoire russe.

            On lui attribue – vérité ou légende : les historiens russes sont en désaccord – l’invention des « villages Potemkine », c’est-à-dire le trompe-l’œil de villages pimpants et prospères cachant une réalité beaucoup plus misérable… Des façades en carton-pâte avaient été érigées devant des maisons décrépites, pour tromper l’impératrice sur la situation réelle des villages qu’elle parcourait.

            Ce bon vieux truc existe toujours en Russie, car les habitants de Lytkarino (banlieue de Moscou) ont dénoncé au président russe Dmitri Medvedev la tromperie organisée par les autorités locales à l’occasion de sa venue : un grand lifting « cache-misère » à coups de peinture et de pose de palissades neuves a été réalisé en cinq sec !

           Certains reprochent donc à Pôle emploi d’entretenir de nombreux et beaux bureaux… qui ne servent à rien.

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1.L’utilisation d’un sigle ou d’un acronyme n’entraîne absolument pas de majuscule au premier mot de l’expression complète. Ce n’est pas parce que l’on parle d’une ZUP ou d’un RIMa qu’il faudrait écrire Zone (à urbaniser en priorité) et Régiment (d’infanterie de marine), avec une majuscule.

Le mot du 17 novembre 2014

confident

         M. Jouyet, incontournable membre, semble-t-il bien,   de  l’oligarchie des « 2 000 familles », intrigue par ses amitiés multicartes, multipartis,  un jour ministre de M. Sarkozy, un autre jour secrétaire général de l’Élysée, et confident depuis de nombreuses années de M. Hollande. (Seulement  de M. Hollande ?…) L’ « affaire » du déjeuner avec M. Fillon ne devrait pas cesser d’intéresser les journalistes d’investigation… et les citoyens avides de clarté et d’honnêteté.

            Des romanciers en panne d’inspiration, en proie à la peur, à l’angoisse de la page blanche – la leucosélophobie  –,  ne devraient pas être en peine d’aller  à la « pêche à la ligne » à partir des multiples pistes, hypothèses, suppositions qui imposent évidemment à l’esprit des termes extrêmement variés : duplicité, camaraderie complice, convivialité excessive, caquet inconséquent, double jeu, « billard à deux, trois bandes », clan d’anciens de l’ENA, tactique politicienne, roueries implicites, manipulations tous azimuts… Reste à en tirer, si possible, LA vérité.

            La confidentialité consiste à maintenir le secret sur des informations, sur des intentions, sur des sentiments… Le terme est évidemment de la famille de  confidence – terme emprunté au latin confidentia, « confiance, assurance ».

            Confidence a donc eu l’acception, au sens classique, de confiance entre amis proches, avant de prendre la signification de communication d’une chose sous réserve du respect du secret (mettre dans la confidence).

            Au théâtre, confident(e) désigne, certes, celui ou celle à qui l’on confie un secret, mais, en fait, ce personnage secondaire évite au personnage principal, le protagoniste1, de multiplier les apartés, les discours à la cantonade, les apostrophes à l’adresse du public. Le spectateur est mis dans la confidence, est amené à partager les sentiments les plus intimes des différents personnages. Éventuellement, le procédé des confidences permet de rappeler au public distrait ou peu perspicace le résumé de l’action écoulée, les motivations de chacun, etc.

            Si, dans l’Histoire, des confidents ont joué – ou jouent – un rôle non négligeable (le père Joseph du Tremblay, « éminence grise » de Richelieu ; saint Éloi pour Dagobert Ier ; Olivier Le Daim, ou le Daim, pour Louis XI…), au théâtre ils ne jouent que les « seconds couteaux » : leur rôle n’est pas… tranchant ! En effet, indispensables auprès des héros des pièces de théâtre, à seule fin de renseigner le spectateur sur les faits et gestes de chacun, y compris sur les desseins les plus obscurs des personnages principaux, ils se risquent rarement à donner avec fermeté et autorité des conseils enjoignant au protagoniste de modifier son comportement ou de prendre de nouvelles décisions.

          Ce manque d’énergie interdit de voir dans ces confidents ou confidentes du théâtre d’authentiques amis, puisque les véritables amis, dit-on, sont ceux qui parlent avec la plus grande franchise, sans ménager, éventuellement, leurs proches.

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1.À l’origine, protagoniste était figé au singulier au sein d’une histoire, d’un conte, d’une pièce de théâtre, etc., parce que dans le théâtre grec antique il y avait UN acteur principal, en grec « le premier acteur » (de prôtos, « premier », et agônizesthai, « concourir »), face au chœur. On  ne  pouvait  pas  parler de(s) « protagonistes » d’une affaire. Aujourd’hui, le pluriel est licite et très employé.

 

 

Le mot du 14 novembre 2014

ridicule

          À la veille de la dictée « loufoco-logique »  ( © !!!  ☺ ) de la place du Tertre pour l’Association des Amis d’Alphonse Allais, et d’un après-midi où vont régner une fois de plus l’humour, les calembours, les boutades et les facéties d’une assistance qui ne se prend pas au sérieux, le mot ridicule s’impose à l’égard de personnes qui se sont… ridiculisées ces dernières heures.

            Ridicules, ces « témoins » qui ont affirmé avoir vu et photographié un tigre en liberté.

            Ridicules, ces soi-disant spécialistes de la chasse qui ont estimé, avec une certitude  d’experts, mais avec des variantes au fil des minutes, qu’il s’agissait d’une bête de trois mois, de six mois, de trente kilos, de cinquante kilos, de cent kilos…

            Ridicules, ces agents de l’ONF reprenant de façon aventureuse les propos des précédents, puis finissant par avancer des explications non crédibles, comme quoi la nature du terrain et les intempéries auraient transformé en pattes de gros félin des modestes traces de pattes… de chat.  On a même vu et entendu, à la télévision, toujours pour justifier les erreurs d’appréciation, des « spécialistes » avancer qu’il pouvait s’agir d’un chat sauvage – ou un chat haret – de… cinquante kilos (cette « hénaurmité », comme écrirait Flaubert, justifie les trois points d’exclamation qui suivent) !!!   Sauf erreur de notre part, le poids maximum d’un chat sauvage ou haret est de sept-huit kilos.

         Ridicules, les journalistes qui n’ont plus le moindre sens critique, le moindre recul, et qui recueillent, en les prenant pour argent comptant, les pires stupidités. Un bon journaliste doit toujours douter, se méfier des impressions comme des assertions avant de les valider éventuellement… Nombre de reporters et de commentateurs auraient dû prendre l’avis de Mme Marie-Claude Bomsel, enseignante-vétérinaire, qui a, entre autres, travaillé au zoo de Vincennes, dirigé la ménagerie du Jardin des plantes à Paris, et rédigé de nombreux articles sur les mammifères pour l’Encyclopædia Universalis. Cette authentique « personne-ressource » (jargon journalistique) a, elle, mis en doute sans hésiter, d’après plusieurs indices, l’hypothèse d’un tigre.

            Heureusement pour certains, le ridicule ne tue pas… Ridicule vient du latin ridiculus, dont les acceptions allaient de « plaisant, drôle » à « comique, extravagant, risible… ridicule ».

             

Le mot du 12 novembre 2014

mouton (pieds de)

            Depuis quelques années, des chaînes françaises ont diffusé, voire diffusent encore, d’excellents courts-métrages d’animation, d’une durée de sept minutes, dont le héros est un mouton : Shaun le mouton ! Ces excellents petits films sont dus à des maîtres de l’humour britannique : les studios Aardman, de Bristol, à qui l’on doit déjà les fameux Wallace et Gromit.

            Le réalisateur britannique Nick Park est le créateur de ce désopilant tandem formé de Wallace, génial et farfelu inventeur, et de son chien Gromit, très intelligent, sensé, sensible. Originalité de ces films d’animation : les personnages sont en pâte à modeler, et les scènes sont tournées image par image, le temps que les animateurs (ils sont une vingtaine) manipulent les figurines millimètre par millimètre.

            La technique de Nick Park n’a pas changé, à part le passage à la plastiline (pâte à modeler non séchante). D’ailleurs, Shaun est issu d’une des histoires de Wallace et Gromit : Wallace et Gromit. Rasé de près. Le mouton ne parle pas, ses congénères non plus, son ami le chien de ferme Bitzer non plus, à part quelques grognements. Quelques cris, onomatopées, bruits divers, émanent des cochons, des poules…, mais tout repose, en fait, sur l’expressivité des héros, sur leurs mimiques, sur leurs attitudes, et c’est un travail remarquable !  Grâce à cette minutie, et aux scénarios à l’humour très british, on passe de très bons moments, quand bien même aurait-on dépassé ses six ou sept ans.

            Les studios Aardman sont en train de tourner un premier long-métrage, dont le titre pourrait être… Shaun le mouton, le film. Ce film devrait sortir en salles en avril 2015, au bout d’un total de trois ans de travail, dont neuf mois de… long tournage.

            … Si vous êtes de vrais végétariens, vous ne pouvez pas manger de pieds de mouton, qu’ils soient grillés, poêlés, marinés ou autre ! En revanche vous sont autorisés les… pieds-de-mouton, c’est-à-dire les champignons ainsi nommés par comparaison de forme. Dans ces champignons, il n’y a ni vrais pieds ni vrais moutons : la double métaphore est marquée par les deux traits d’union. Le pluriel s’inscrit dans la norme de la catégorie « nom + préposition + nom » des mots composés : seul le premier terme prend la marque du pluriel.

            Attention à ne pas croire ce qui vous est dit dans de nombreuses recettes de cuisine données sur internet : très souvent, ce ne sont pas des pieds de mouton qu’il faut acheter et préparer, mais bel et bien des pieds-de-mouton = des champignons !!  Les innombrables fautes d’orthographe commises dans les sites à ce propos (… comme en bien d’autres) vous conduiraient à mitonner d’étranges plats.

Le mot du 10 novembre 2014

cautère

            Emprunté au grec kautêr, –êros, « fer brûlant », ou kalein, « brûler », via le latin, cautère désigne, en médecine, un instrument porté au rouge qui permet de brûler des tissus malsains – voire gangrenés –, de nettoyer une plaie.

            La cautérisation peut également être obtenue par des agents chimiques.

          Par extension, et au figuré, cautérisé(e) a été employé au sens de « rendu(e) insensible » : une conscience cautérisée. Cette dernière expression semble bien être sortie de l’usage… mais pas ce qu’elle exprime !

       Cautère a aussi été utilisé pour désigner la plaie ainsi traitée, mais cela semble tombé en désuétude. En revanche, et cela « colle » bien à l’actualité, notamment nationale, le terme est toujours fréquemment repris, via l’expression C’est un cautère sur une jambe de bois.

            Bien évidemment, appliquer un cautère sur une jambe de bois désigne une action ridicule, qui est inopérante, inefficace… Et, en particulier en temps de crise socioéconomique, la population, l’opposition à la majorité en place, voire des sympathisants ou alliés politiques déçus, dénoncent avec virulence les vains discours –  le « robinet d’eau tiède » – des chef d’État, Premier ministre et ministres, leurs creux « engagements et promesses », et la stérilité de leur action.

          « Mesurettes » sans portée réelle, et effets de manches sans… effet justifient le succès de cautère sur une jambe de bois dans le langage usuel. Au point que l’on suggérera toutefois à des commentateurs professionnels de varier leur vocabulaire et de recourir de temps à autre à des variantes moins rebattues.

            Pour retenir l’attention des lecteurs, des auditeurs et des téléspectateurs, pourquoi ne pas utiliser le beaucoup moins connu moxa ?!  « Cette décision aura autant d’effet qu’un moxa sur une jambe de bois ! » laissera sans doute interdit plus d’un responsable politique interviewé, qui en perdra de vue, peut-être, sa langue de bois et ses « éléments de langage », d’où des échanges beaucoup plus intéressants…

            Un moxa (du japonais mogusa, « feuille séchée d’armoise commune ») est, en médecine traditionnelle asiatique, un petit cône de poudre d’armoise (ou «plante d’Artémis »), un bâtonnet ou une petite branche d’armoise. Brûlé au contact de la peau (moxibustion), le moxa est censé obtenir  des résultats comparables à ceux de l’acupuncture. Appliquer ce bout de bois sur une jambe du « même métal » a la même efficacité que le fameux cautère !

            Attention à ne pas confondre cautère avec cautèle, nom féminin désignant une prudence mêlée de ruse, traditionnellement attribuée aux paysans normands d’autrefois, notamment par Guy de Maupassant.

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            Merci aux nombreux participants à la dictée de samedi 8, qui ont rempli à ras bords le Grenier à sel de Honfleur, au point de susciter l’inquiétude des responsables à la culture quant au nombre de tables et de chaises !