Archives mensuelles : octobre 2014

Le mot du 27 octobre 2014

euphémisme

           Le « mot du jour » chipoterie m’avait permis, ces derniers jours, d’aborder la notion d’euphémisme et de litote. Je reviens aujourd’hui sur le premier de ces deux mots…

          L’euphémisme (du grec eu, « bien », et phêmê, parole) ne date certes pas d’aujourd’hui… mais il est de plus en plus utilisé. En particulier par les hommes et femmes politiques au pouvoir (quelle que soit la couleur politique), pour masquer, pour atténuer, pour voiler des échecs. Comme chacun sait, il s’agit d’une formulation qui permet d’éviter d’employer une expression trop pénible, trop brutale, trop franche, car en appelant un chat un chat on peut choquer, blesser, démoraliser, peiner… L’euphémisme ne reflète donc pas toujours la couardise, la lâcheté, la veulerie, mais, et à bon escient, la pudeur, la réserve, la finesse d’esprit, l’attention aux autres.

         Mais à force de recourir, aussi, à des expressions banalisées, à un langage convenu sinon châtré, à des formules non compromettantes, la généralisation de l’euphémisme aboutit à la langue dite « de bois », à une « langue unique ». Comment s’étonner, alors, que des philosophes ou des journalistes qui ne font que dire des vérités soient traités indûment de polémistes sectaires ou de pamphlétaires extrémistes !

     Dès l’Antiquité, les êtres humains recouraient à de précautionneuses périphrases : les terribles Furies étaient également nommées « les Euménides », c’est-à-dire « les Bienveillantes », histoire de les amadouer. Le Pont-Euxin, autrement dit la mer Noire aux dangereuses tempêtes, pour les Anciens, se voyait appelé « la Mer hospitalière » par les navigateurs grecs désireux d’être épargnés par les flots.

            Les Grecs, au contraire des Étrusques, pensaient que la gauche portait malheur, car, pour eux, qui « avaient le nord devant eux », elle représentait donc le côté où… disparaissait le soleil. De ce fait, au lieu de dire « la main gauche », ils se prémunissaient des malheurs en optant pour « la bien nommée » [des deux mains].

            Depuis plusieurs années, le cancer devient systématiquement « une longue et douloureuse maladie », les chômeurs des « demandeurs d’emploi », les aveugles des « non-voyants », et les sourds des « mal-entendants ». Dans ce dernier cas comme dans d’autres, l’euphémisme entraîne une disparition des nuances, des degrés : en toute rigueur, un « mal-entendant » n’est pas un « non-entendant ».

         « Économiquement faibles », naguère, fut inventé pour parler de personnes qui vivaient dans la gêne. L’appauvrissement croissant de couches entières de la population française, alors qu’une minorité vit de plus en plus dans l’opulence, très souvent indécente et provocante (salaires de sportifs, retraites « chapeau » de grands patrons, etc.), a entraîné la multiplication des euphémismes, évidemment en particulier de la part des hommes et des femmes politiques : le sigle « SDF » s’efforce de cacher l’inacceptable condition de ceux qui n’ont pas le moindre toit ; « dégraisser » veut occulter un « licencier massivement » trop cru ; « petit boulot » veut être un ersatz euphorique de « travail partiel très peu payé », etc.

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         Presse-Océan passera à compter de mercredi 29, et ce jusqu’au 5 novembre, les questions-jeux que je rédige traditionnellement pour accompagner la dictée Jules-Verne au conseil général, à Nantes. (À ce jour, quasiment toutes les places disponibles pour les concurrents dans la salle dudit conseil général sont prises. Que les retardataires se dépêchent de s’inscrire !)

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Concours mensuel d’octobre (réponses à envoyer avant le 10 novembre minuit)

Les trois premières réponses complètes reçues seront récompensées par des prix. Plus une réponse tirée au sort parmi les autres bonnes réponses complètes.

            Ce concours est constitué de trois questions :

1° Quel auteur se dissimule derrière : jocrisse, abandon, ratafia, céleri, navire   ?

2° Quel mot est un intrus dans la liste suivante, et pourquoi ?

            bijoux – agir – clou – îlot – films – crapaud – défis – afflux – effort – accent

 

3° Compléter par une lettre la suite logique suivante, en expliquant votre réponse :

            A   E   F   H   I   K…

Le mot du 25 octobre 2014

pet(-)sitting

            Comme d’habitude, les psittacidés des médias – pour faire, croient-ils, le buzz, et donner l’impression d’être dans le vent et d’apporter un scoop fabuleux – reprennent de concert un anglicisme lancé par de petits malins ou par les poseurs : pet(-)sitting ! On les verrait presque adopter la fameuse emphase épistolaire de Mme de Sévigné à propos du mariage annoncé de la Grande Mademoiselle (Mlle de Montpensier, cousine germaine de Louis XIV) avec le duc de Lauzun : « Je m’en vais vous mander la chose la plus étonnante, la plus surprenante, la plus merveilleuse, la plus miraculeuse, la plus triomphante, la plus étourdissante, la plus inouïe, la plus extraordinaire, la plus incroyable, la plus imprévue, la plus grande […] : le pet(-)sitting est arrivé ! ». Avec ses « pet-sitters », bien entendu…

            Quel fabuleux Everest accouchant, une fois de plus dans l’actualité, d’une minuscule souris ! Même pas d’une souris, d’ailleurs, mais du vent, de rien : cette pseudo-nouveauté extraordinaire existe depuis des décennies, mais sous une dénomination bien française, la « garde à domicile d’animaux de compagnie », principalement chats et chiens. Soit au domicile des hôtes, soit en passant au « domicile des animaux » pendant les absences des maîtres pour vacances ou autres motifs.

            L’utilisation de l’anglicisme est tout simplement, et c’est bien loin d’être un cas isolé, une démarche commerciale (ou un comportement snobinard) censée qualifier une intervention nouvelle, des prestations innovantes et supérieures… Il n’en est rien : depuis des lustres, les personnes gardant des animaux proposent différents niveaux d’accueil en famille, plusieurs fréquences de passages à domicile ou de promenades, etc.

            Seuls des naïfs, des personnes crédules, trop confiantes, peuvent croire que la mise en avant d’un anglo-américanisme garantit forcément une originalité ébouriffante et des services de meilleure qualité.

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           Avec un retard dû aux nombreuses dictées et aux autres activités concentrées sur octobre, voici les résultats du premier concours mensuel (de septembre). Les habitués de la dictée de Bonsecours (Seine-Maritime) se sont couverts de gloire !

Classement : 1re Mme Marie-Clotilde Barraud de Lagerie, de Charleval (Eure) ; 2e M. Lionel Maurouard, de Bec-de-Mortagne (Seine-Maritime) ; 3e M. Thierry Raulin, de Bonsecours.

           Ces trois lauréats vont recevoir sous huit jours des prix en livres d’une valeur respective de 300, 200 et 150 euros.

            Le concours d’octobre sera mis en ligne demain. Vous aurez jusqu’au 10 novembre pour participer.

Le mot du 24 octobre 2014

dernier

       Woody Allen – auteur de quarante-huit films ! – est en tournée de promotion pour son dernier long-métrage… qui ne sera peut-être pas le dernier. L’ambiguïté contenue dans l’emploi du mot dernier permet des répliques amusantes du genre : « Avez-vous lu le dernier roman de Duschnock ?… – Son dernier ? Ah !… Ouf ! Parfait !… ».

            Dernier peut en effet signifier « ultime » comme « tout récent et dernier pour l’instant », et chacun doit avoir cela en tête en écrivant, notamment les journalistes. Mettre en titre dans un journal, ou annoncer à la radio ou à la télévision : « Le dernier film de Woody Allen » peut signifier que le célèbre cinéaste new-yorkais, après Magic in the Moonlight, a décidé de mettre fin à sa carrière.

            Apparemment, si l’on se fie à ses… dernières déclarations, il n’en est rien, et les cinéphiles s’en féliciteront sans nul doute.

            « Aux derniers les bons » : ce proverbe est-il encore connu de quelques usagers de la langue française ?… Si oui, il s’agit probablement des… derniers à savoir qu’il s’agit d’un dicton ayant pour acception : « ce qui reste de quelque chose après que les autres ont choisi est souvent le meilleur ».

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           Vient de paraître, au Courrier du livre, le Petit Abécédaire de la Grande Guerre – Ces mots qui racontent l’Histoire.

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Rappels :

Mercredi 5 novembre, au conseil général de Loire-Atlantique : la 10e dictée Jules-Verne.

Samedi 8 novembre, aux Greniers à sel, à Honfleur, « Honfleur fait sa dictée ».

Samedi 15 novembre, au restaurant-cabaret la Crémaillère 1900, place du Tertre, à Paris, la « dictée loufoco-logique » Alphonse-Allais.

Le mot du 23 octobre 2014

chipoterie

            Pour parler comme le préposé aux chroniques de jardinage sur France Inter : Alain Baraton, qui raffole de cet adjectif, Mme Marisol Touraine a utilisé un mot « délicieux » alors qu’elle était interviewée sur France 3 à l’occasion, mercredi 22, d’une retransmission des « questions au gouvernement », en direct de l’Assemblée nationale.

            Chaque épisode de ce que j’ai, personnellement, du mal à appeler une « émission » (contrairement à France Télévisions) débute par quelques minutes d’interview politique d’un(e) élu(e) ou d’un(e) ministre, à qui succède environ une heure de retransmission des questions des partis politiques et des réponses du gouvernement.

            La ministre de la Santé, des Affaires sociales et des Droits des femmes du ministère Valls II, répondant à une question sur les divergences entre socialistes, principalement sur la politique socio-économique, a recouru à l’atténuation, à l’euphémisme, en utilisant le mot inusité, mais licite, de chipoteries.

            « Le système constitutionnel [..], c’est le gouvernement du juste-milieu, de la médiocrité, des chipoteries » (Balzac, Petites misères de la vie conjugale). » Par chipoterie, on a désigné – on peut encore désigner – une discussion, voire une dispute, sur des vétilles. Une chicane ou chicanerie mesquine et inutile…

            N’en déplaise à Mme Touraine, les contestations formulées de plus en plus vivement par ceux qu’on a pris l’habitude, dans les médias, d’appeler les « frondeurs » ne relèvent pas du domaine des futilités, des broutilles, des points de détail, mais bien des questions de fond et non de « chipoteries ». Mais il n’est pas question de faire injure à la ministre en lui attribuant une certaine méconnaissance du vocabulaire : on est ici dans la pirouette politicienne, dans l’exténuation au sens rhétorique, c’est-à-dire dans la langue de bois version amoindrissement, version litote.

Le mot du 22 octobre 2014

crash

           L’accident dont a été victime M. Christophe de Margerie, patron de Total, a été relaté dans tous les médias sous les termes de « crash de l’avion de M. de Margerie ». Bon nombre de défenseurs de la langue française ont dû alors sursauter… Non pas tellement à cause de l’emploi de crash, anglicisme que sa brièveté rend bien utile aux journalistes, contraints de « faire court » dans les titres. Écrasement, même tout court, est déjà plus long, mais on se sent obligé de dire et écrire écrasement au sol de l’avion – ce que la logique condamne comme pléonastique, même si l’aéronef pourrait aussi s’abîmer en mer –, parce qu’un écrasement, de chic, est compris au sens de « fait d’avoir été écrasé par quelque chose »…

            Non, ce qui a sans doute étonné, voire agacé, des usagers du français, c’est l’utilisation de crash alors que l’avion ne s’est pas écrasé au sol, n’est pas tombé alors qu’il volait : il roulait sur la piste !

            En fait, la signification de crash au sens d’ « écrasement brutal au sol » est si bien implantée que la seconde acception avalisée par des dictionnaires, « atterrissage d’un avion en catastrophe, « sur le ventre » », est délaissée. Et il en va de même pour une autre acception, elle aussi lexicalisée dans des dictionnaires et qui justifie l’emploi de crash alors que l’avion ne s’est pas écrasé au sol : « choc accidentel violent contre un obstacle ».

Le mot du 21 octobre 2014

capitaine d’industrie

            Le décès accidentel du patron de Total, Christophe de Margerie, a entraîné l’emploi, par les médias et par les commentateurs en général, de la locution appropriée capitaine d’industrie. Même les nombreux sites internet d’information ne brillant pas par une maîtrise extrême de la langue française n’ont, semble-t-il, pas commis la bourde de parler de chevalier d’industrie…

            Le très remarquable Trésor de la langue française (CNRS Éditions), réalisé sous la direction de Paul Imbs, puis de Bernard Quemada,   a cependant tort de mentionner, à propos de capitaine d’industrie, « chef d’une grande entreprise industrielle ou commerciale » : « souvent péjoratif ». Non : « parfois péjoratif » ! Et pratiquement jamais, de nos jours… sauf s’il s’agit d’individus dont on sait qu’ils sont en même temps, et surtout, des chevaliers d’industrie. C’est-à-dire des escrocs, des affairistes, des hommes d’affaires peu regardants sur les méthodes et sur les moyens.

            La locution chevalier d’industrie ne date pas d’hier : elle remonte au XVIIe siècle ! Ce chevalier-là n’est pas le dévoué serviteur de nobles causes ; sans doute de fausse noblesse, ou de très petite noblesse désargentée, il essaie par tous les moyens de s’insérer dans une société plus huppée, plus respectable. Il est souvent le héros de romans d’aventure, ce que l’on a appelé, d’après des œuvres espagnoles, les « romans picaresques » (de l’espagnol picaro : « aventurier », puis « intrigant sans scrupules », « vaurien, fripon, individu de mauvaise vie… »). Ce chevalier à l’honnêteté très douteuse est le proche parent des chevaliers de la lune, des chevaliers d’aventure et des chevaliers de fortune.

            Bien évidemment, industrie n’a pas du tout, ici, l’acception aujourd’hui usuelle : depuis le XIVe siècle, ce terme issu du latin industria a signifié « activité secrète ». Par extension : « activité » tout court, mais en ayant la connotation particulière d’ « activité consistant à exécuter quelque chose avec habileté », de « moyen ingénieux ». De là, glissement sémantique vers « finesse », « ruse », « rouerie », « tromperie », « artifice », « fourberie » et compagnie ! Bref, par chevalier d’industrie on désignait un aigrefin, un escroc, un filou, qui par la hâblerie, la ruse et le mensonge roulait autrui dans la farine et se faisait sa place dans la société.

La locution ne peut être employée, aujourd’hui encore, qu’avec cette signification. Mais, si l’on n’a pas de preuves incontestables de la malhonnêteté de certains individus, on peut se retrouver accusé de calomnie, quoique ayant eu raison d’utiliser chevalier d’industrie à propos de telles ou telles personnes…

Le mot du 17 octobre 2014

clown

            Bien que les témoignages soient confus, il semble avéré que plusieurs plaisantins (?) pas très intelligents, déguisés en clowns, s’amusent, dans plusieurs pays, à terroriser les badauds, voire le plus souvent des enfants et des adolescents aux abords des établissements scolaires. Ces individus arborent des armes que l’on pense être toutes factices, ou, plus pacifiquement, des ballons multicolores, et suivent en silence les passants, provoquant crainte, inquiétude, voire angoisse. Plus violemment, et semant alors la panique, ils poursuivent les gens, en arborant batte de base-ball, hache, couteau, etc., avant de mettre subitement fin à ces… clowneries. Ces fines plaisanteries n’ont, jusqu’à présent, sauf erreur, entraîné aucun accident grave : infarctus de personnes cardiaques, malaises graves d’enfants stressés… Mais cela pourrait survenir.

           La ville de Northampton, au nord-ouest de Londres, a été particulièrement victime, depuis septembre, de ces facéties à l’humour très contestable. Le clown   – ou l’un des clowns ? – a été interpellé : il s’agit d’un étudiant en cinéma de 22 ans, Alex Powell. Ce dernier a affirmé qu’il voulait juste s’amuser à faire peur… Lui ne portait que des ballons, semble-t-il. Son costume, comme ceux des autres clowns « farceurs », reprend celui de Pennywise (= Grippe-Sou), le clown maléfique créé par le célèbre écrivain américain Stephen King dans son roman d’horreur Ça. « Ça » désigne une entité venue des profondeurs de l’espace, et qui peut prendre de multiples formes. La plus usuelle est celle de Grippe-Sou le clown, doté de griffes et de crocs quand il attaque des enfants.

            Clown est un mot anglais attesté au milieu du XVIe siècle, au sens de « paysan, homme rustre », puis de « paysan, bouffon, au théâtre ». Ensuite, le terme désignera plus précisément un artiste de cirque aux costume et maquillage exagérés, amusant les spectateurs par des pitreries, par la pantomime.

            Parmi ces artistes du cirque on retiendra Footit et Chocolat, parce qu’on rattache à ce fameux tandem de clowns l’expression « être chocolat » (= être dupé, être roulé)… Dans ce duo, le Britannique Footit (Tudor Hall, dit George Footit) était le clown blanc ; Chocolat (le Cubain Raoul Padilla, issu d’une famille africaine), jouait l’auguste… noir, d’où son nom de scène. Toulouse-Lautrec a représenté Chocolat dansant (1896).

            Dans leurs numéros, comme cela est la tradition, le clown blanc roule dans la farine l’auguste, moins malin. Constatant qu’il avait été joué, Chocolat, penaud, avouait : « Je suis chocolat… », ce qui constituerait donc l’origine de cette expression amusante : « être chocolat », c’est-à-dire être floué, être berné. Mais cela n’est pas satisfaisant et semble bizarre… Il y a sans doute un calembour, un jeu de mots, sur Chocolat/chocolat, à partir d’une expression antérieure, à partir d’une acception particulière du nom commun…

            Il est donc très probable que nos deux clowns aient repris le vocabulaire d’un jeu très populaire à l’époque : le bonneteau. En fait, une arnaque illicite, où le meneur de jeu – le bonneteur – mélange rapidement et très habilement trois cartes. Le joueur-parieur doit deviner où se trouve l’une de ces cartes. Pour attirer les gogos à plumer, le bonneteur a un compère, qui « gagne », évidemment, et joue ainsi le rôle d’appât, de « sucre », de… « chocolat ». De là, « chocolat » en est venu à désigner la dupe qui enrichit les tricheurs en laissant son argent dans le jeu truqué. « Pigeon » égale chocolat !…

Le mot du 16 octobre 2014

philanthrope

            Le Conseil économique, social et environnemental sera bientôt l’hôte – « sous le haut patronage du président de la République », selon une formule consacrée – des premières Rencontres de la philanthropie. Cette manifestation organisée à l’initiative de la revue le Monde des fondations aura pour thème « la place des fondations et des mécènes dans la société française ».

            Auparavant, Mme Melinda Gates, épouse de Bill Gates, fondateur de Microsoft, viendra en France, au titre de coprésidente – avec son mari – de la plus riche fondation philanthropique privée du monde (40 milliards de dollars). Chaque année, cette fondation verse 3,6 milliards de dollars au bénéfice de la lutte contre Ebola, contre le sida, contre la mortalité infantile, pour la protection des femmes, en faveur des campagnes de vaccination contre le paludisme, etc.

            Le couple Gates et un autre milliardaire américain bien connu, Warren Buffett, ont lancé le « Giving Pledge » (« Promesse de don »). Les milliardaires ou multimilliardaires qui adhéreront à cette initiative s’engagent à donner la moitié de leur fortune, de leur vivant ou à leur mort, à des œuvres sociales, à la société en général, plutôt que de transmettre cet argent à leurs héritiers. Estimant qu’ils ont dû leur réussite au fait d’avoir eu la chance de naître dans un pays riche, doté de toutes les infrastructures nécessaires, tous les trois considèrent comme une obligation de donner de leur énergie, de leur temps et de leur argent aux autres…

            L’étymologie de philanthrope coule de source : phil-, « qui aime », et anthrôpos, « être humain, homme ». Les philanthropes sont des femmes et des hommes altruistes, qui ont le souci des autres, qui œuvrent pour le bien de leurs semblables, avec désintéressement. Cette générosité étant souvent matérielle, consistant à améliorer les conditions de vie de déshérités, de personnes en difficulté, philanthrope désigne presque exclusivement, aujourd’hui, quelqu’un qui apporte une aide pécuniaire.

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Rappels : à part la 6e dictée de Piriac-sur-Mer, samedi 18 octobre, les prochaines dictées sont :

  • Le mercredi 5 novembre, la 10e dictée Jules-Verne, dans la salle du conseil général de Loire-Atlantique, à Nantes. Étant donné le lieu, le nombre des participants est hélas strictement limité ! L’inscription est donc obligatoire, par téléphone, au : 02 40 99 16 90. La dictée sera retransmise en direct sur le site du département : loire-atlantique.fr
  • Le samedi 8 novembre, à 14 h 30, à Honfleur (Calvados), la traditionnelle dictée annuelle « Honfleur fait sa dictée », aux Greniers à sel. Les inscriptions préalables ne sont pas obligatoires.
  • Le samedi 15 novembre, à 14 h 30, 15, place du Tertre, à Montmartre, en la brasserie-cabaret La Crémaillère 1900, la dictée annuelle « loufoco-logique » Alphonse-Allais, pour l’Association des Amis d’Alphonse Allais (AAAA). Je peux inviter quelques personnes non membres de l’AAAA : me contacter.
  • Le dimanche 23 novembre, à 14 h 30, à Sorèze (Tarn), dans le cadre du Salon du livre en l’abbaye-école, dictée annuelle. Renseignements et inscriptions au Syndicat d’initiative / Office du tourisme : 05 63 74 40 39.

 

Le mot du 15 octobre 2014

béotien

          Dans sa chronique de l’Express n° 3302, Christian Makarian estime que « la position ambiguë de la Turquie, qui reste l’arme au pied face à l’avancée de Daech, n’est de nature à surprendre que les béotiens ». Ce dernier mot, chacun le sait-il, est issu de la transformation en nom commun d’un gentilé, d’un ethnonyme : celui désignant les natifs et – ou – les habitants de la Béotie, une province centrale de la Grèce ancienne.

          Les gentilés ou ethnonymes sont tous des noms propres à majuscule, quand ils désignent donc des personnes humaines (de riches Béotiens), et des adjectifs, sans majuscule, quand ils qualifient des choses propres à un lieu quelconque de la planète (les villages béotiens). Mais ici, de plus, le nom propre est devenu, par antonomase, un nom commun, sans majuscule : des béotiens.

            Censés être des esprits raffinés, les Athéniens, plus largement les Attiques, réunissaient, dit-on, un ensemble de qualités – raffinement, goût des arts, finesse de la pensée et de l’expression, élégance, politesse, culture… : ce que l’on a appelé l’atticisme (ce mot allie plusieurs acceptions). Par sel attique, on entend une fine et spirituelle manière de penser qui peut se teinter d’un humour délicat. Toutes choses qui ne sont pas l’apanage de la plupart des présentateurs-animateurs des chaînes françaises de radio et de télévision.

             Aux yeux des Athéniens, les Béotiens étaient des balourds, des lourdauds, des êtres bornés, incultes, des individus grossiers, rustres, incapables d’être sensibles à la beauté des arts et de la production littéraire… Cette réputation, médisante ou calomnieuse, s’est durablement installée, puisque béotien est toujours utilisé, surtout au sens d’ « ignorant », de « peu intelligent ». Avec toutefois le plus souvent la nuance familière, et moins péjorative, de « qui ne possède pas la moindre connaissance en un domaine particulier » : Il est complètement béotien en musique classique. Auquel cas nous conseillons à cette personne d’écouter des chroniqueurs agréables et cultivés tels, entre autres, qu’Ève Ruggieri, Christian Morin ou Alain Duault !

Le mot du 13 octobre 2014

décliniste

Dans une de ses chroniques, une journaliste-éditorialiste d’un de nos principaux hebdomadaires écrit : « Et si c’était vrai ? Et si nos lunettes déclinistes nous empêchaient d’apercevoir les « signaux faibles » d’espoir ? Et si nous n’étions pas en déclin, que nous avions simplement pris un retard rattrapable ? »

            L’enchaînement de « et si nous n’étions… » et de « que nous avions… » aura sans doute fait sursauter des lecteurs. Les linguistes orthodoxes, les grammairiens traditionalistes y auront probablement, voire certainement, vu une anacoluthe, c’est-à-dire une rupture de la construction syntaxique normale, qui, sans altérer le lien logique, fait que la fin de la phrase n’est plus en harmonie, grammaticalement, avec le début. Cette phrase eût été plus fluide, plus correcte, en recourant à la répétition du si : « Et si nous n’étions pas en déclin, si nous avions… ».

          Comme bien souvent, d’aucuns – les plus nombreux, peut-être – y auront vu une maladresse d’écriture ; quelques-uns, une figure de style licite apportant une éventuelle variété dans l’expression ; les autres lecteurs… n’auront peut-être pas réagi !

            Le mot décliniste, nom ou adjectif, a surgi dans le vocabulaire avec la multiplication des écrits et des propos portant sur le « déclin » supposé ou avéré, partiel ou complet (à chacun sa vérité), de la France dans le domaine géopolitique, économique, social, culturel… Les adversaires des déclinistes les traitent aussi de « déclinologues », dénonçant, par ce terme censé être plus péjoratif que déclinistes, des atrabilaires voyant tout en noir.

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            Nouveauté : dans la matinée du vendredi 10 octobre a eu lieu, au premier étage du café-restaurant Le Sorbon, rue des Écoles, à Paris, dans le Quartier latin – étage réservé pour l’occasion – une dictée organisée à la demande du Cercle Prep’art, qui regroupe d’anciens enseignants. Ainsi que l’indique le Cercle sur son site, la dictée et les jeux autour de la langue française ont fait retrouver à ces profs « leurs fous rires d’élèves ». En effet, ce ne fut pas triste du tout !

            Rappel : samedi 18 octobre, 6e dictée du Patrimoine à Piriac-sur-Mer (Loire-Atlantique).