le « plafond de verre »
L’expression « plafond de verre » est abondamment reprise par les médias français au sujet de la situation politique dans l’Hexagone. Il s’agit là de la reprise d’une expression qui s’est répandue outre-Atlantique dans les années 1970 : glass ceiling. Celle-ci, selon certains, reprendrait une idée exposée dans un film de 1947 du réalisateur Elia Kazan : Gentleman’s Agreement (en français : le Mur invisible), qui suscite des jugements mitigés. (N. B. : je n’ai jamais vu ce film.)
Deux ans après la fin de la Seconde Guerre mondiale, ce film produit par Darryl F. Zanuck est ciblé sur la discrimination banalisée, non affichée, dont seraient alors victimes les juifs aux États-Unis. Les membres de cette communauté se heurteraient donc, au contraire des autres citoyens, à une barrière invisible faite de non-dits, un « mur invisible » qui les stigmatise, qui les discrimine…
Dans l’acception réapparue vers 1970, le mot plafond est nettement plus mis en évidence. Le « plafond de verre » désigne un niveau de fortune, de responsabilités politiques, économiques, industrielles, de fonctions hiérarchiques supérieures auquel n’accèdent que les membres d’une oligarchie… et leurs parents. Un tel réseau – où l’on s’échange la rhubarbe et le séné, où les membres de conseils d’administration renvoient, reconnaissants, l’ascenseur aux dirigeants d’entreprise (juteux jetons de présence contre pactoles en actions et super-retraites en or au détriment des petits actionnaires et du personnel), où la connivence s’exerce discrètement au sein de certains clubs mondains, au sein d’une obédience – met un pays en coupe réglée.
La majorité des citoyens se heurtent à ce « plafond de verre », à ce « plafond invisible ». Cependant, l’expression est-elle justifiée ?… Certes, les membres de ce pouvoir de l’entre-soi ne révèlent pas quels sont leurs privilèges, ne dévoilent pas leurs ententes financières ni leurs trocs de sinécures, leurs accords politiques personnels alors qu’ils appartiennent à des formations censées défendre des idéaux opposés, etc. Mais les citoyens seraient-ils aveugles, jobards, naïfs, crédules, ingénus, innocents, au point d’ignorer l’existence de ce que d’aucuns appellent le « mur de terre » ?…