Archives de Catégorie: De U à Z

V

Veto (opposer son)

Le cabinet d’un ministre nous demande si « opposer son veto » est toujours une expression fautive…

La langue évolue et  –  ce faisant  – les étymologies sont de plus en plus perdues de vue. Voyez donc la complète transformation de signification des deux expressions coupes claires et coupes sombres, venues de la sylviculture, des Eaux et Forêts… Aujourd’hui, une majorité de personnes sont persuadées que coupes sombres a toujours désigné des coupes importantes, sévères (alors qu’en réalité il s’agit de coupes peu importantes, laissant les bois et taillis sombres, au contraire des coupes claires, qui, en sylviculture donc, désignent des coupes importantes, aboutissant, par exemple, à la création de… clairières) ! Et qui irait, en 2014, condamner l’emploi de saupoudrer de sucre, alors que l’on ne devrait saupoudrer que du… sel (sau) !

Rigoureusement, « opposer son veto » est un « superbe » pléonasme (= « opposer son « je m’oppose (en latin) »  « ,  du même genre que « secousse sismique » (= « secousse qui secoue ») !

Rien n’empêche de continuer à… s’opposer à un pléonasme, même s’il est considéré comme de plus en plus anodin. Les solutions de rechange ne manquent pas : « faire opposition », « mettre son veto », « opposer un refus catégorique », etc.

Pour l’instant, veto s’écrit toujours sans accent aigu sur le « e », mais on prononce « véto ».

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Vieillarde (emploi de)

Une jeune amie hésite à employer « vieillarde », qui, pourtant, existe bien dans la langue…

Beaucoup de mots qui figurent dans les dictionnaires sont à utiliser avec doigté, avec finesse, avec souplesse, avec prudence aussi. Si vieillard est généralement employé de façon neutre, que le mot soit au singulier ou bien au pluriel, il n’en va pas de même de son féminin, vieillarde. Ce dernier mot, en effet, n’est utilisé qu’avec une nuance méprisante, péjorative. Dans quelque texte que ce soit, il faut donc être conscient que le vocable est dépréciatif, voire plus !

Si l’on veut éviter d’exprimer une telle nuance négative, il faut dire (en fonction des degrés de respect ou d’amicale familiarité) : « une femme âgée, une femme très âgée, une bonne vieille, une petite vieille, une vieille dame… (On ne dit pas : « une grand-mère vétuste » ! Attention, aussi, par ailleurs, à la différence de sens entre « sénescent(e) » et « sénile » !)

Au féminin, on redouble le « t » dans le féminin de vieillot  : vieillotte.

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Ville Lumière (la)

« Faut-il un trait d’union à Ville Lumière, et ce dernier mot ne doit-il pas être au pluriel ? », nous demande un ancien stagiaire.

Non, il n’y a pas de trait d’union dans le surnom (ou dans l’antonomase, comme on veut) Ville Lumière désignant Paris. Cette dénomination n’a pas de lien avec le siècle des Lumières, le XVIIIe siècle, ainsi appelé par référence aux philosophes (Voltaire, Rousseau…), mais aussi aux encyclopédistes (Diderot, d’Alembert…). Ville Lumière (deux majuscules) fait allusion à l’électricité qui, le soir et la nuit, fit de la capitale française la ville la mieux éclairée, la plus illuminée, du monde…

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 Ville Lumière ou Ville lumière

            Un excellent amateur de dictées s’interroge sur le nombre de majuscules à accorder au surnom attribué à Paris depuis, quasiment, que la capitale de la France a marqué l’Histoire en devenant une des toutes premières grandes villes de la planète, voire la première, à être vivement éclairée à l’électricité. (Certains font remonter le surnom à l’extension générale de l’éclairage au gaz…)

C’est une question qui relève du domaine de l’orthotypographie, des règles orthotypographiques établies, au fil des décennies, surtout par des générations d’imprimeurs, de typographes et de correcteurs. Ces professionnels, de par leurs métiers, ont eu à résoudre par la logique, par le raisonnement, des centaines et des centaines de cas d’espèce portant notamment sur l’indication des majuscules. Les plus aguerris d’entre eux ont donc acquis en ce domaine un savoir très pointu s’appuyant sur la réflexion et le travail de leurs aînés.

Quelle que soit leur érudition, la plupart des lexicographes n’ont pas acquis un savoir identique en ce domaine bien particulier. C’est pourquoi les praticiens de la presse, de l’édition et de l’imprimerie déplorent assez souvent les lacunes, les manques de rigueur, les défauts d’unification, observés même au sein des dictionnaires, notamment chez certaines maisons d’édition…

Il s’agit ici d’un surnom, et on précisera tout de suite – parce que ce rappel n’est manifestement pas inutile auprès d’un grand nombre de personnes  – que les surnoms sont des noms propres, d’où des majuscules obligatoires : le Petit Caporal, le Chevalier sans peur et sans reproche, la Haute Assemblée, la Grande Guerre, la Grande Boucle, l’Hexagone

L’indication des majuscules dépend des catégories grammaticales des termes qui forment les surnoms et de la position respective des noms et des adjectifs : il y a deux majuscules à Grande Guerre (= la guerre de 1914-1918) parce que l’adjectif précède le nom ; il n’y a qu’une majuscule à Ville rose (= Toulouse), parce que ce surnom est constitué d’un substantif suivi d’un adjectif. Même chose, donc, pour les surnoms Ville éternelle et Ville sainte.

            Mais il est obligatoire de mettre deux majuscules à Ville Lumière, parce que ce surnom est formé de deux substantifs.

30 juin 2014.

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Vitupérer contre

« On me dit que vitupérer contre est incorrect, parce que vitupérer serait exclusivement un verbe transitif. est-ce vrai ? »

La langue française est une langue bien vivante, qui évolue constamment… Ce qui était fautif hier devient correct aujourd’hui, avant de devenir peut-être obsolète demain… C’est dans l’ordre des choses, et ainsi va la notion de « bon usage », qui ne saurait être figée.

Effectivement, vitupérer contre fut autrefois critiqué, condamné, et même encore naguère…. Aujourd’hui, il est parfaitement licite de dire, d’après les ouvrages contemporains : « Vitupérer contre le gouvernement d’incapables, contre les injustices, contre les impôts excessifs… ».  Bien sûr, vitupérer tout court reste très correct.

Personnellement, je respecte  – en principe  – une différence d’emploi : a) vitupérer devant des noms désignant des personnes (vitupérer ses voisins) ; b) vitupérer contre devant des noms de choses, concrètes ou abstraites (vitupérer contre les voitures polluantes)