La deuxième question du jour (et la réponse)
« Bonjour, Monsieur Colignon,
Pouvez-vous m’indiquer la meilleure façon de présenter un exergue en tête de chapitre d’un ouvrage ? Doit-on le justifier à droite ? Est-il préférable d’utiliser l’italique ou les guillemets ? S’il est tronqué en tête de phrase, faut-il le faire précéder de points de suspension ? Si oui, ces points doivent-ils être mis entre crochets ? Quant à la référence qui suit, quelles règles doit-elle suivre (petites capitales, italique, date, point final) ?
Par avance, merci !
Bien cordialement. »
a) Je pense qu’il faut laisser de côté le débat sur la synonymie ou non d’épigraphe et d‘exergue… Il y a les puristes, ou hyperpuristes, qui n’acceptent que « l’épigraphe mise en exergue » et les modernistes, de plus en plus nombreux, qui acceptent l’évolution du langage, et donc la synonymie partielle entre les deux mots
b) Chaque université, chaque éditeur, a quasiment sa « marche maison ». Pour les travaux universitaires, cela est souvent présenté péremptoirement comme étant LA norme à appliquer. Il n’en est rien, bien sûr, mais on peut comprendre le souci d’uniformiser la présentation de la totalité des thèses, etc., publiées par un même éditeur.
Le nombre des « marches » de travail est important, avec de multiples petites variantes de présentation. Certaines indications, éventuellement trop strictes, ne sont plus de mise : en principe, on ne suit plus depuis un certain temps, par exemple, la consigne de faire précéder d’un tiret le nom/signature de l’auteur du petit texte mis en exergue…
Mentionner et détailler toutes les « marches » demanderait l’équivalent de plusieurs pages d’un dictionnaire d’orthotypographie… Je vais donc indiquer quels sont les usages contemporains de base. Avec éventuellement une ou deux variantes quand celles-ci sont assez suivies.
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Les multiples usages (survivances d’hier ou usages plus contemporains) en concurrence devraient s’accorder sur les principes de base suivants :
a) Les épigraphes sont composées en caractère beaucoup plus petit (notamment si le texte de l’épigraphe est un peu long) que celui adopté pour le texte principal. Ce dernier étant généralement de l’ordre du corps 9 gros œil au corps 11, l’épigraphe sera alors le plus souvent en corps 7 (ou, plus rarement, en 6 gros œil ). Un 8 petit œil peut être accepté.
b) Les épigraphes en français sont composées en romain maigre. Les épigraphes en latin, en langue étrangère, sont en italique. Si la traduction en français suit, entre parenthèses, l’épigraphe en langue étrangère, la traduction sera en romain entre guillemets. La composition en caractère gras ou demi-gras est peu fréquente.
c) La justification (la longueur) de l’épigraphe devra être très inférieure à la justification du texte. De l’ordre du tiers, environ, quand l’épigraphe, en belle page (page impaire), se situe au-dessus du texte de la partie, du chapitre, qui commence.
d) L’éventuelle signature de l’auteur dont on cite en épigraphe un vers, une phrase, un doublet, voire un quatrain (l’auteur ne doit pas abuser de la longueur) se met en petites capitales avec grande capitale à l’initiale, soit centrée au-dessous de l’épigraphe, soit à un ou deux cadratins au fer à droite, voire carrément fer à droite. La mention du prénom n’est pas obligatoire; celui-ci peut être mis en toutes lettres ou bien ramené à son initiale. En principe, on ne met pas le prénom en minuscules et le nom en grandes capitales; en revanche, le prénom en petites capitales, avec capitale à l’initiale, et le patronyme entièrement en capitales est une « marche » assez courante.
La signature est séparée du texte de l’exergue par une ligne de blanc. Elle est généralement suivie d’un point.
e) L’épigraphe se compose soit en drapeau fer à droite, soit au carré, en pavé. On n’interligne pas ce texte.
f) S’il s’agit d’une épigraphe qui figure seuleen belle page, en tête de livre, derrière la page du titre, plus éventuellement, celle du faux titre, on peut adopter un caractère de corps plus important. On ne mettra pas sur une seule ligne cette épigraphe si elle fait presque la justification du livre. Il est beaucoup plus esthétique de la composer sur deux lignes en pavé (au carré) ou en drapeau fer à droite.
g) Les dédicaces recoupent les épigrammes, avec moins de conventions, plus de fantaisie(s)… Étant dues aux auteurs des ouvrages, ce ne sont pas des citations : elles sont composées en romain et ne sont pas mises entre guillemets. En principe, en pavé au carré, ou fer à droite en drapeau.
h) Par honnêteté intellectuelle, si une phrase de l’épigraphe est tronquée, on met des points de suspension entre CROCHETS.
i) L’épigraphe étant en principe forcément une citation mise en exergue, et isolée, c’est quelque peu enfoncer une porte ouverte que de la mettre entre guillemets français. Cette « marche » est donc rare (mais n’est pas illicite).
Je le répète : ce sont là les usages les plus courants, les bases essentielles… Il faudrait « être fou du cerveau » (cf. La Fontaine) pour entreprendre une réponse qui prétendrait être exhaustive… (De plus, cela retarderait les réponses aux autres questions reçues !…)
Faites bien attention à vous… et aux autres !