Archives mensuelles : juillet 2014

Le mot du 26 juillet 2014

sauvagerie

            Les familiers de ce site l’ont compris : la rubrique nommée « Le mot du jour » ne signifie pas qu’il s’agit d’une chronique quotidienne, rédigée 365 jours sur 365… Du moins, pour l’instant. Ainsi, l’enchaînement de l’organisation d’une première dictée à Leucate (Aude) mercredi 30 juillet, en hommage à l’écrivain et aventurier Henry de Monfreid, et de la présidence d’honneur du Salon du livre de Kercabellec (Mesquer), en Loire-Atlantique, dimanche 3 août, va « manger » du temps.

            Mais certains « mots du jour » peuvent servir plusieurs fois ! Prenez machette, tout récemment traité : un nouveau  fait-divers survenu à Roquemaure ce samedi 26 juillet, montre la banalisation de l’emploi de ce sympathique instrument, non pour couper la canne à sucre, mais pour blesser ou peut-être tuer autrui. Des « bandes » se sont affrontées dans cette commune du Gard où naquit… Placide (!) Cappeau, auteur du texte de Minuit, chrétiens, cantique mis en musique par Adolphe Adam. Disposant de tout un arsenal de haches, de battes de base-ball, de marteaux, de barres de fer, peut-être même d’armes à feu selon des témoignages, les frustes belligérants s’en sont pris aussi, comme toujours, aux voitures, aux poubelles…

            La brutalité, la violence, la bestialité – employons les mots justes ! – déployées par ces individus sont à des années-lumière de la France des… Lumières et des idéaux démocratiques. Sauvagerie est également un terme approprié, non pas au sens de « comportement d’une personne qui fuit les contacts et recherche la solitude », mais avec l’acception de « caractère inhumain, barbare, d’une personne ». Victor Hugo semble avoir été le seul utilisateur-créateur (dans sa correspondance) du synonyme sauvagisme…

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            Un de nos fidèles correspondants s’interroge sur le trait d’union dans fait-divers, mentionné dans un récent « Mot du jour ». Je maintiens cette graphie, parce que, selon moi, ce syntagme est devenu le plus souvent un nom composé spécialement employé au sens journalistique. Ce n’est plus un simple fait banal, varié, divers, mais un événement entrant dans la rubrique des faits-divers. De plus, le trait d’union à fait-divers permet d’unifier avec le nom composé à trait d’union obligatoire faits-diversier(s), terme de journalisme avéré. Faits-divers étant un mot au pluriel quand il s’agit de dénommer la rubrique spécialisée consacrée aux accidents, aux crimes, etc., le journaliste affecté à cette rubrique doit donc traiter LES faitsdivers. Cela entraîne forcément et logiquement le maintien du pluriel à faits dans un faits-diversier, des faits-diversiers.

Le mot du 24 juillet 2014

avion

            Dans l’actualité particulièrement anxiogène du moment – il suffit d’écouter les conversations dans la rue ou chez les commerçants –, les transports (trains, camions, voitures, bateaux, avions…) reviennent en une dramatique série d’accidents, avec, hélas, leurs contingents de morts et de blessés…

            S’agissant des avions, dans un cas au moins il semble bien qu’il n’y a pas eu « accident », sauf à dénommer ainsi une éventuelle et monumentale erreur de sinistres crétins. « Erreur » et « crétins » étant évidemment des euphémismes.

            Le mot avion a été formé à partir du latin avis, « oiseau », et sa brièveté l’a imposé face à aéroplane. Curiosité datant des débuts de l’aviation : aviateur(-trice) fut parfois employé comme adjectif (un appareil aviateur).

            Il faut appliquer le double pluriel aux mots composés avion-cargo et avion-citerne, parce que ces termes sont formés de deux substantifs et désignent des choses ayant un double emploi : d’avion et de cargo, d’avion et de citerne… En revanche, avec court-courrier, moyen-courrier et long-courrier, termes s’appliquant à des avions (aussi à des navires), seul l’élément courrier varie en nombre : les « courriers » (les avions) ne sont pas eux-mêmes courts, de longueur moyenne ou très longs. Non, ils volent respectivement sur de courtes (c’est relatif !), moyennes ou longues distances… Les pluriels sont donc, logiquement : des court-courriers, des moyen-courriers et des long-courriers.

Le mot du 21 juillet 2014

machette

            Un des « outils » préférés des tueurs sévissant notamment en Afrique lors de guerres ethniques et tribales est de plus en plus souvent utilisé en France. En effet, il est maintenant fréquent de noter, lors de manifestations, l’utilisation de la machette par des individus venus non pour apporter leur soutien à telle ou à telle cause, mais pour casser, détruire, piller, et agresser les commerçants ou les passants.

            Un fait-divers vient renforcer notre propos : des rugbymen en stage ont été attaqués par des « locaux » armés « de sabres et de machettes », selon les médias. Comme ces sportifs ne sont pas des demi-portions, des mauviettes, et qu’ils étaient à peu près l’effectif d’une équipe, quoique désarmés ils ont pu mettre en fuite le groupe d’assaillants. Néanmoins, certains d’entre eux ont été blessés, dont un sérieusement. On imagine quelle boucherie aurait pu en découler si les agresseurs s’étaient attaqués à deux ou trois personnes d’âge mûr ou peu athlétiques…

            Nous ne nous attarderons pas sur les circonstances puisque l’enquête est en cours. Les médias avancent la version d’une vengeance exercée contre un ou plusieurs des sportifs, qui, dans la soirée, auraient protégé une femme contre l’agressivité d’un quidam. Ce dernier aurait alors préparé le guet-apens armé…

            Machette vient de l’espagnol machete, dérivé de macho, « enclume, massue ». Cet objet coupant et tranchant serait donc issu d’un terme s’appliquant à des objets… contondants, comme on dit dans les rapports de police et dans les polars, c’est-à-dire qui peuvent blesser ou tuer en assommant, mais pas en coupant ni en piquant ! (En revanche, le rapport entre macho et « machos », des hommes pas particulièrement fins et légers mais au comportement pesant, est plus logique !)

            La distinction entre machettes et sabres n’est pas forcément très nette : par machette, on désigne un coupe-coupe (N. B. : mot invariable), un grand couteau, un grand coutelas, à lame droite ou recourbée, pouvant être une arme d’estoc quand elle est pointue, qui sert à la fois d’arme et d’outil. Dans le Dictionnaire de Trévoux (1704), et sous la graphie maschette, il est dit que c’est un couteau utilisé par les boucaniers de Saint-Domingue pour abattre les cochons et les bœufs sauvages. Par extension, et en parlant des régions tropicales d’Afrique et du Nouveau Continent, l’acception généralement retenue est celle de « grand coutelas dont on se sert pour divers usages, notamment pour s’ouvrir des passages dans la brousse, dans les forêts, pour couper la canne à sucre, pour ouvrir les noix de coco… ». Selon les pays, la machette est indifféremment appelée, aussi, « sabre à canne », « sabre d’abattis » ou « sabre » tout court.

            Qui dit boucaniers dit souvent marins déserteurs, pirates, flibustiers ayant mis sac à terre. Ces hommes avaient l’habitude de manier le lourd sabre d’abordage, à la fois arme et outil (pour couper les cordages, entre autres). Entre les types de sabres d’abordage et les variétés de machettes, la différence dut parfois avoir l’épaisseur d’une… lame de rasoir !

Le mot du 17 juillet 2014

charrue

          L’extraordinaire festival des Vieilles Charrues, créé en 1992, tient sa 23e édition à Carhaix-Plouguer (centre du Finistère) de ce 17 juillet au 20 juillet inclus… En termes de fréquentation, c’est maintenant le plus grand festival de musique de France, accueillant en moyenne plus de 250 000 spectateurs enthousiastes, attirés par l’esprit festif, convivial, conféré par des organisateurs s’appuyant sur environ 5 000 bénévoles.

            Les amateurs de chansons, de musique rock, de pop, de rap, d’électro, de musique celtique, de trip hop… y trouvent leur compte grâce à une programmation éclectique !

       Organisé en plein cœur de la Bretagne, ce festival est volontairement présenté comme un événement populaire, implanté dans le pays profond, dans les champs, dans la prairie. Le choix du nom de « Vieilles Charrues » affiche clairement cette démarche.

           Chacun le sait : une charrue est un instrument de travail agricole, à traction animale ou mécanique, et servant à labourer. Le mot comporte deux r, comme la quasi-totalité des termes de la famille de char (exception : chariot, un seul r), et a eu aussi, comme signification, autrefois, celle de « surface [variable…] pouvant être labourée en un an par une charrue ».

         Tirer la charrue, locution démodée, s’est dit pour exprimer le fait d’effectuer un travail pénible. En revanche, mettre la charrue devant (avant) les bœufs est toujours couramment employée, au sens de « ne pas faire les choses logiquement », « ne pas faire les choses dans l’ordre ». L’Administration, les gouvernants, entre autres, contribuent grandement à la pérennité de l’expression !

       Des débats byzantins, des querelles picrocholines (cf. Rabelais), ont opposé – et continuent d’opposer – les tenants de « devant les bœufs » aux partisans de « avant les bœufs »… Est-ce que faire remarquer que, normalement, devant s’oppose à derrière alors qu’avant s’oppose à après permet de prôner une des deux tournures, permet d’affirmer que l’une d’entre elles, seule, est licite ?… En principe oui, aux yeux des grammairiens et des linguistes « classiques », qui soutiennent que devant donne une priorité dans l’espace, tandis qu’avant se rapporte à une priorité dans le temps. Cette différenciation sémantique n’est plus respectée par un certain nombre de « dictionnaires de difficultés » contemporains, voire de dictionnaires tout court, qui admettent à égalité les deux formes…

          Selon nous, mettre la charrue devant les bœufs reste à préférer, pour la raison exposée ci-dessus.

          Bernard Pivot s’est opposé naguère à des « réformateurs » qui voulaient corriger éléphant en « éléfant », leur déclarant qu’avec les lettres ph il « voyait » les deux grandes oreilles de l’animal. Eh bien, avec devant je « vois » le lien entre les bœufs et la charrue, je « vois » l’attelage ; avec avant, les bovins se présentent plus tôt que la charrue dans le champ de vision, mais sans qu’il y ait attèlement, association, équipage soudé… !

Le mot du 13 juillet 2014

galopin

           À la veille du 14-Juillet, comme les choses sont bien faites, c’est un coureur français qui se retrouve maillot jaune du Tour de France : gloire, donc, à Tony Gallopin, de l’équipe Lotto-Belisol ! Et, s’agissant alors d’un garçon… de courses, l’occasion était trop belle : parlons donc du substantif galopin (avec un p), dont la première acception fut celle de « jeune garçon chargé de faire les courses »…

            Ce mot découle du verbe galoper : il faut probablement y voir un surnom familier donné aux personnes, surtout des jeunes garçons, chargées de faire des commissions ; en particulier de porter ou d’aller chercher des messages…

            Un sens dérivé a été celui de « petit marmiton », de « gamin servant dans les cuisines », qu’il conviendrait peut-être d’affiner en « jeune garçon chargé de livrer, de porter, des plats »…

            La signification la plus populaire, la plus vivante, est, comme on le sait : « garçon effronté, mal élevé, qui court les rues, qui traîne dans la rue », avec d’abord un sens péjoratif assez fort, qui s’est atténué dans l’usage jusqu’à devenir un synonyme de « chenapan, garnement, titi, polisson, gamin espiègle… ». Si traiter quelqu’un de galopin fut quasiment une insulte, de nos jours c’est à peine une apostrophe réprobatrice, plutôt même une appellation affectueuse.

            Le féminin – galopine – est quasiment inusité, et il faut chercher dans des textes d’hier pour trouver quelques emplois : « Désirée, une galopine de quinze ans » (Joris-Karl Huysmans, les Sœurs Vatard).

            On peut s’étonner de trouver, dans des textes du domaine historique, notamment portant sur les XVIIIe et XIXe siècles, et, cela, au sein de plusieurs armées, le mot galopin semblant désigner un grade assez élevé. En fait, le vocable s’est répandu – n’oublions pas qu’à l’époque la langue française, reflet de la puissance politique, intellectuelle, économique, diplomatique du pays, était parlée par l’élite européenne – au sens d’aide de camp, d’estafette, donc désignant des militaires jouant un rôle important auprès des états-majors.

            Autre sens de galopin, un peu moins vieilli que certains lexicographes (qui ne doivent pas souvent aller, par exemple, dans les Pays de la Loire) ne le prétendent : « petit verre de vin », et, plus usité, « petite chope de bière ». Dans certaines régions, « galopin de bière » est d’ailleurs quasiment un pléonasme.

            La dernière signification découle probablement (?) du fait qu’il s’agit d’un petit verre, d’un contenant de faible capacité, d’un verre « gamin », juste bon pour de jeunes garçons. Des [verres à / de] galopins… Ou peut-être faut-il y voir un « p’tit verre » rapidement « éclusé » par des garçons de courses censés être pressés et faire rapidement leur tâche ?… Dans ce cas, à l’origine, ce serait aussi des « [verres de] galopins ».

Le mot du 12 juillet 2014

commémoration

           Nous sommes entrés pour… cinq ans dans des centaines de manifestations destinées non pas à « célébrer », comme disent de mauvais journalistes qui ne réfléchissent pas à ce qu’ils disent, mais à commémorer la guerre de 1914-1918. Comment pourrait-on « célébrer » une boucherie qui a entraîné environ 10 millions de tués parmi les combattants, dont 1,4 million de Français, et des millions de morts chez les civils, tous pays confondus !

            Ce que l’on peut célébrer, c’est la victoire (coûteuse… et provisoire : voir vingt ans plus tard) de 1918, et l’armistice du 11-Novembre (mais sans majuscule ni trait d’union dans l’armistice du 11 novembre 1918), c’est-à-dire une suspension des combats.

            Commémorer, c’est rappeler, par différents types de manifestations et de cérémonies, le souvenir d’une personne ou d’un événement : la bataille de Valmy sera commémorée entre autres par un défilé des enfants des écoles vêtus en sans-culottes ; la commémoration de la naissance de Jean Bart donnera lieu à une série de conférences.

            « Commémorer un anniversaire », « commémorer une fête », sont donc des formules pléonastiques à bannir du langage, tout comme « commémorer le souvenir ». On ne « commémore » pas le 800e anniversaire de la bataille de Bouvines, on ne « commémore » pas la 50e Kermesse des rosiers de X… On célèbre ce 800e anniversaire, on fête cette 50e kermesse…

Le mot du 10 juillet 2014

but

            La Coupe du monde de football, par association d’idées, est une bonne occasion de parler de la locution dans le but de, qui constitue encore un « cactus » (cf. Jacques Lanzmann et Jacques Dutronc, leur chanson les Cactus… et Georges Pompidou, qui, un jour, fit allusion aux paroles de cette « scie ») dans la vie de ceux qui entendent écrire le mieux possible. Et dans celle des professionnels qui sont chargés de complètement toiletter les textes, à savoir les correcteurs-réviseurs. Faut-il condamner péremptoirement cette locution, tel Littré il y a plus de douze décennies ? Peut-on l’utiliser, sans pour autant se faire traiter de laxiste, voire de mauvais usager du français ?…

            Des puristes, ou se considérant comme tels, continuent d’affirmer que cette formule ne peut ni s’expliquer ni se justifier, reprenant là le propos d’un bon grammairien de naguère, René Georgin. Comme chacun sait, Monsieur et Madame Tout-le-monde emploient de plus en plus généralement naguère (dont la signification : « il n’y a guère longtemps » est méconnue) au sens de jadis et d’autrefois… Face à une évolution généralisée, on ne peut quasiment rien contre ce glissement de sens erroné. Des centaines de « mauvais emplois » de… naguère sont avalisés aujourd’hui par les grammaires et par les dictionnaires : c’est comme cela que le français est une langue vivante, et le « bon usage » une notion évolutive.

            Maurice Grevisse (pas d’accent sur le premier e, mais il faut prononcer « Gré »), il y a déjà de nombreux lustres, affirmait que dans le but de était reçu par le meilleur usage et se justifiait « tout bonnement par l’analogie de dans la pensée, afin de… ». Quelques écrivains que nous avons la faiblesse de considérer comme de bons auteurs soucieux de la langue française – Flaubert, Hugo, Stendhal, Chateaubriand, Gide… – ont employé la locution. De plus en plus rares sont les ouvrages contemporains qui condamnent l’utilisation de dans le but.

            Alors, sur cette question, et aujourd’hui :   Grevisse, 1 – Littré, 0 !

Le mot du 8 juillet 2014

évidence

            En cette soirée du 8 juillet 2014, le « mot du jour » s’impose avec… évidence : l’équipe d’Allemagne de football est très supérieure à la sélection brésilienne ! Les commentateurs honnêtes, les amateurs de football impartiaux, s’étaient rendu compte que sans son prodige Neymar, et sans beaucoup de chance au cours des matchs précédents (plus un curieux arbitrage très favorable face à des Croates volés comme au fond du bois), la seleçao ne serait jamais arrivée jusqu’en demi-finale. C’est une évidence !

        Si l’ampleur du naufrage de l’équipe brésilienne est humiliante, « bouleversifiante », cette défaite des auriverde (« Or et Vert ») ne saurait être qualifiée d’étonnante, de surprenante, d’incroyable…   C’est comme si, dans un pays, on décernait quasiment à tous les scolaires – par démagogie, par calcul politique, par veulerie, par lâcheté –, un diplôme censé garantir leur bon niveau d’instruction et de culture : un jour ou l’autre, le médiocre niveau réel de certains sera mis au jour, notamment par les exigences professionnelles. D’où les difficultés à trouver un emploi. Seuls les démagogues, par hypocrisie, et les benêts, par bêtise, tomberaient alors des nues… ou feraient semblant. Pourtant, là aussi, ce ne serait qu’une évidence (du latin evidentia, même signification).

              « C’est pas évident », expression familière, relâchée, n’est pas à employer dans la langue correcte usuelle, c’est évident ! On préférera, de meilleur aloi (comme disait « Maître Capello » [ou « Capelo »] : Jacques Capelovici) : « Ce n’est pas facile ».

            L’adverbe évidemment s’écrit avec -emm- puisqu’il est forgé sur un adjectif en -ent.  On prononce « da-man ».

 

           

Le mot du 5 juillet 2014

sprint

            « Et, à la fin, ce sont les Allemands qui gagnent ! » Il est trop tôt pour savoir si la Mannschaft (tout bêtement, en allemand : « l’équipe » ; ici, le mot étant le surnom de l’équipe nationale allemande : « l’Équipe ») va remporter l’édition 2014 de la Coupe du monde de football. Rappelons que cette épreuve fut créée à l’initiative d’un Français, Jules Rimet, qui fut durant de longues années président de la Fédération française de football, et président de la Fédération internationale de football association. Ancien combattant de 1914-1918, dès les années 1920 il voulut faire du football un outil au service de la paix, notamment par l’organisation d’une Coupe du monde. La première édition, en 1930, disputée en Uruguay par treize équipes, vit la victoire de… l’Uruguay.

           On pourrait ajouter, en ce 5 juillet : « Au début, ce sont les Allemands qui gagnent ! ». C’est en effet un cycliste d’outre-Rhin, au prénom bien français, Marcel Kittel, qui a gagné la première étape de la Grande Boucle 2014, en Grande-Bretagne, plus précisément en Angleterre, dans le Yorkshire. Cela à l’issue de cet effort bref et intense que l’on désigne par un mot… anglais depuis longtemps intégré à la langue française : un sprint !

            C’est dans les années 1860 que le terme apparaît en France, au sens de « bref et intense effort de pleine vitesse fourni au cours d’une épreuve sportive », notamment à proximité de l’arrivée.

            Le verbe sprinter (de l’anglais to sprint, « sauter, s’élancer ») s’est intégré au français depuis le début du XXe siècle via des journaux comme l’Auto. (Si le maillot du premier du Tour au classement général est jaune, c’est par référence à la couleur des pages de ce journal, dont le rédacteur en chef, Henri Desgrange, créa le Tour de France cycliste.) Une des bibles des amateurs de sport fut durant plusieurs décennies Miroir Sprint, un journal attaché à la figure de son directeur Maurice Vidal et à celle du fameux dessinateur Pellos (bien connu, par ailleurs, comme illustrateur des aventures des Pieds-Nickelés*). Prenant le sous-titre de Miroir du Tour pendant que se déroulait la Grande Boucle, et célèbre pour ses pages vertes, bleues, ou bistre ou sépia, et ses très nombreuses photos, Miroir Sprint atteignit des tirages remarquables dans les années 1950-1960 : de l’ordre de 400 000 exemplaires.

*  Ou : Pieds Nickelés, sans trait d’union. Les auteurs et éditeurs n’ont pas suivi une unique graphie. Rappelons qu’ « avoir les pieds nickelés », en argot de naguère, signifiait : « être paresseux », « ne rien faire, comme si l’on avait les pieds rivés au sol » !

Le mot du 3 juillet 2014

sniper

 

            Les médias du jour ont recours au mot snipers pour désigner les avocats et les proches de Nicolas Sarkozy qui ont commencé à décocher non de simples flèches, mais un tir nourri d’accusations sur les deux juges d’instruction parisiennes qui ont mis en examen l’ancien chef de l’État pour « corruption active », « trafic d’influence » et « recel de violation du secret professionnel ».

            Mmes Patricia Simon et Claire Thépaut doivent, depuis quelques heures, faire face à une campagne violente, virulente. Surtout l’une d’entre elles, dont l’impartialité est mise en doute ouvertement par certains « porte-flingues » sarkozystes en raison de son appartenance à un syndicat de magistrats (ce qui est bien son droit)… M. Alain Juppé s’est montré très réservé sur ces attaques visant la magistrature. Au fil des jours, on devrait savoir si les snipers en question ont usé de la calomnie, si les juges ont commis ou non des erreurs de procédure, si les délits reprochés à l’ex-locataire de l’Élysée sont avérés ou non, etc.

            L’anglicisme sniper (prononcer : « snaïpeur » ; to snip, « couper »), très utilisé dans les commentaires portant sur les nombreux conflits qui endeuillent la planète : Irak, Ukraine, Syrie, Libye…, est presque constamment employé avec l’acception manifeste de « tireur d’élite ». Ce qui est une ânerie ! Quand une guerre civile, quand des affrontements communautaires, se déclenchent, les civils de tous âges se muant en tirailleurs ne sont pas équipés d’armes mortelles… dernier cri. Au début, en tout cas, les tromblons, les pétoires et les escopettes ne sont pas rares, maniés par des individus certes très motivés mais non entraînés. Ces hommes, voire ces femmes, aussi, vont se conduire en francs-tireurs, en tireurs embusqués, en tireurs isolés, en « canardiers »… mais sans devenir, par un coup de baguette magique, des tireurs d’élite faisant mouche à chaque fois. Et leur remettre de but en blanc des fusils perfectionnés ne modifiera pas beaucoup, s’il n’y a pas d’entraînement, la précision de leurs tirs…

           Dans l’armée, les tireurs d’élite, ou tireurs de précision, sont des militaires sélectionnés pour leurs capacités mais intégrés au sein d’unités d’infanterie, et pouvant mener, groupés en section par exemple, des opérations destinées à l’élimination d’ennemis par le tir à grande distance. On les appelle assez couramment snipers, mais, toujours au sein des armées, le terme de snipers est plutôt réservé à des tireurs d’élite envoyés à deux ou à trois, voire isolément, afin d’effectuer, comme tireurs embusqués (c’est l’équivalent en français, ici), comme combattants camouflés, des tirs d’élimination à longue distance visant à tuer des personnages importants de l’organisation ennemie (officiers, radios, estafettes…).