Des homonymes à ne pas confondre
Les « petits saints » - les santons - sont certainement, pour la plupart, rentrés avec leur crèche dans les armoires familiales, jusqu’à décembre prochain… Rappelons qu’il ne faut pas les confondre avec les centons :
L’ami Frédéric Tachot a quelque soixante ans de typographie derrière lui, soixante ans de « plomb »… L’impression en relief fait désormais partie d’un patrimoine dont il a à cœur de sauvegarder la mémoire, un savoir-faire à maintenir par l’édition d’art, la recherche, l’éducation et la culture. Fondateur de l’association Format typographique, il a été accueilli et soutenu par la Ville de Saran (près d’Orléans), avec qui a été créé un lieu unique en son genre : l’Atelier Typographique de Saran. Conservatoire-musée du savoir-faire typographique, l’Atelier est aussi un lieu de formation et de production où se rencontrent des publics variés : scolaires, étudiants, artistes, éditeurs de livres rares…
Chaque année, Frédéric et son épouse envoient de superbes et originales cartes de vœux. Pour 2002, le couple s’était mis les neurones au court-bouillon afin d’écrire un centon de cinquante-deux vers…
Rappelons ce qu’est un centon (… et non un santon !) :
Étoffe ou vêtement fait de plusieurs morceaux de couleurs différentes.
Pièce de vers ou de prose composée de passages empruntés à un ou à plusieurs auteurs.
Composition musicale formée de plusieurs morceaux de différents compositeurs.
Recueil de morceaux de plain-chant provenant de diverses sources.
Ici, Brigitte et Frédéric Tachot ont associé cinquante-deux vers de différentes fables de La Fontaine.
PROPOS DE JUPITER
1 D’une aventure étrange, et qui pourtant est vraie,
2 Fut la scène où devait se passer l’aventure.
3 Le sort avait raison. Tous les gens sont ainsi faits.
4 Vous avez bien sujet d’accuser la nature.
5 Quand on pense sortir d’une mauvaise affaire,
6 Souvent il nous arrive un sort comme le nôtre.
7 On perd du temps au choix, on tente, on veut tout faire.
8 Nous n’écoutons d’instinct que ceux qui sont les nôtres.
9 Un homme qui s’aimait sans avoir de rivaux ;
10 J’en conviens : il est noir ainsi que vous et moi.
11 Alors je jouirai du fruit de mes travaux.
12 Il n’est pas toujours bon d’avoir un haut emploi.
13 Sous un sourcil épais il avait l’œil caché,
14 Gémissant et courbé, marchant à pas pesants ;
15 Chacun à son métier doit toujours s’attacher.
16 Que j’obtienne de vous cette grâce en mourant.
17 Il faut se mesurer ; la conséquence est nette.
18 Faut-il contribuer à son propre malheur ?
19 Ce qu’on donne aux méchants, toujours on le regrette,
20 La raison du plus fort est toujours la meilleure.
21 Quel plaisir a-t-il eu depuis qu’il est au monde,
22 Car qui peut s’assurer d’être toujours heureux ?
23 Vivant que content dans son erreur profonde,
24 Ne voulant rien laisser de libre sous les cieux.
25 Qu’au livre du destin les mortels peuvent lire,
26 Mais que dorénavant on me blâme, on me loue,
27 Après que votre race a tâché de me nuire !
28 Je suis un âne, il est vrai, j’en conviens, je l’avoue.
29 On ne saurait manquer, condamnant un pervers,
30 Comme un mouton qui va dessus la foi d’autrui ;
31 Il renferme toujours son conte en quatre vers
32 Qui se parent souvent des dépouilles d’autrui.
33 Les uns ont la grandeur et la force en partage ;
34 Plusieurs se sont trouvés qui, d’écharpe changeant
35 Et mirent en commun le gain et le dommage,
36 Qui ne prendrait ceci pour un enchantement.
37 Maint toit qui n’en peut mais, fait périr maint bateau,
38 Ce droit vous le savez, c’est le droit du plus fort.
39 Et vous foulant aux pieds jusqu’au fond des eaux
40 Que l’on ne pourrait plus concevoir sans effort.
41 La période est longue, il faut reprendre haleine ;
42 Jupiter se verra contraint de la défendre.
43 Je leur savais bien dire, et m’attirai la haine
44 Et que nos champions songeaient à se défendre.
45 Le monde est plein de gens qui ne sont pas plus sages,
46 Mais, puisque jusqu’ici l’on ne m’a cru en rien,
47 Remplit le ciel de cris ; et pour comble de rage
48 De loin c’est quelque chose, et de près ce n’est rien.
49 De perdre, contre son dû, le gré de sa louange ;
50 Armes de bronze, humains, celui-là fut sans doute,
51 Suivrait parmi les airs les célestes phalanges ;
52 Cette leçon vaut bien un fromage, sans doute.
© Brigitte et Frédéric Tachot, 2022.