Bible (la) / bible (une)
Quelles que soient les convictions de chacun, s’agissant du domaine des religions, des usages orthotypographiques se sont imposés au fil du temps, usages que tout le monde, quasiment, respecte. Tout d’abord, les noms français ou francisés des livres sacrés des religions monothéistes restent ˗ exception à la règle générale ! ˗ en caractère romain et sans mise entre guillemets : la Bible, le Coran, la Torah ; une traduction controversée de la Bible, jurer sur la Bible, la sainte Bible…
Les titres des versions, des recueils et des livres se composent, de même, en romain sans guillemets : l’Ancien Testament, le Nouveau Testament, la Genèse, le Deutéronome, la Septante, la Vulgate, les Proverbes, l’Évangile selon saint Marc, la Nouvelle Alliance… « Dans sa seconde Épitre aux Corinthiens, saint Paul leur apporte le salut des Églises d’Asie… »
Les emplois génériques ne méritent pas de majuscules. On doit donc écrire : les livres sapientiaux, les livres prophétiques, les épitres bibliques, etc.
« Le pasteur mit la bible sous son bras » : quand le mot désigne explicitement un objet, c’est-à-dire le livre, un volume, il perd, en quelque sorte, son caractère sacré et devient un terme profane. Dès lors, il n’a plus droit à la majuscule (des bibles reliées en maroquin rouge ; « Il a calé la table de la cuisine avec une vieille bible »). Cette distinction mentionnée dans la quasi-totalité des dictionnaires généraux de référence et dans les « dictionnaires de difficultés » doit donc amener un auteur rigoureux ou un correcteur scrupuleux à écrire : « Il passait de longues heures plongé dans sa bible » et : « Il passait de longues heures plongé dans la Bible ». Idem : « Dans le tiroir de chaque table de chevet des chambres de cet hôtel se trouve une bible » et : « Dans le tiroir de chaque table de chevet des chambres de cet hôtel se trouve la Bible » ; « Je me suis acheté une bible » et : « Je me suis acheté la Bible »…
Toutefois, estimant qu’en certains cas la distinction est bien ténue, donc contestable, des lexicographes tolèrent ou préconisent le maintien de la capitale : « Cette bible (ou Bible) de 1880 a été composée en garamond corps 8 » ; « Avec les années, cette bible (ou Bible) a pris quelques roussissures… ».
Le mot bible est un nom commun lorsqu’il est employé au sens d’ « ouvrage faisant autorité » : « Sa bible, c’est le Littré ! ». Puisque c’est alors un nom commun, l’accord au pluriel s’impose : « Elle a deux bibles pour le jardinage : L’Encyclopédie des harmonies végétales et Un jardin pour les quatre saisons ».
Mais, quand c’est l’idée de comparaison avec le livre fondamental qui domine, la majuscule doit être observée : « Quel auteur osera se lancer dans la rédaction de la Bible impartiale de la Révolution et de l’Empire !? ».
Dans papier bible, bible est un substantif mis en apposition, ou, comme on veut, un nom devenu un adjectif. Ce terme s’écrit donc sans majuscule, et reste invariable, parce qu’il s’agit d’une tournure elliptique pour dire « papier résistant et opaque quoique d’une faible épaisseur, et particulièrement employé pour l’impression de livres qui, telle UNE bible (ou : LA Bible), doivent comporter beaucoup de pages sous un petit volume » : des papiers bible.
Dans l’argot des voleurs de la Belle Époque, le mot bible a été utilisé, le plus souvent au pluriel semble-t-il, pour désigner des papiers de peu de valeur pour le pickpocket qui s’est emparé d’un portefeuille, et qui s’exclame… incrédule : « Pas le moindre biffeton ! Que des bibles !… »