béotien
Dans sa chronique de l’Express n° 3302, Christian Makarian estime que « la position ambiguë de la Turquie, qui reste l’arme au pied face à l’avancée de Daech, n’est de nature à surprendre que les béotiens ». Ce dernier mot, chacun le sait-il, est issu de la transformation en nom commun d’un gentilé, d’un ethnonyme : celui désignant les natifs et – ou – les habitants de la Béotie, une province centrale de la Grèce ancienne.
Les gentilés ou ethnonymes sont tous des noms propres à majuscule, quand ils désignent donc des personnes humaines (de riches Béotiens), et des adjectifs, sans majuscule, quand ils qualifient des choses propres à un lieu quelconque de la planète (les villages béotiens). Mais ici, de plus, le nom propre est devenu, par antonomase, un nom commun, sans majuscule : des béotiens.
Censés être des esprits raffinés, les Athéniens, plus largement les Attiques, réunissaient, dit-on, un ensemble de qualités – raffinement, goût des arts, finesse de la pensée et de l’expression, élégance, politesse, culture… : ce que l’on a appelé l’atticisme (ce mot allie plusieurs acceptions). Par sel attique, on entend une fine et spirituelle manière de penser qui peut se teinter d’un humour délicat. Toutes choses qui ne sont pas l’apanage de la plupart des présentateurs-animateurs des chaînes françaises de radio et de télévision.
Aux yeux des Athéniens, les Béotiens étaient des balourds, des lourdauds, des êtres bornés, incultes, des individus grossiers, rustres, incapables d’être sensibles à la beauté des arts et de la production littéraire… Cette réputation, médisante ou calomnieuse, s’est durablement installée, puisque béotien est toujours utilisé, surtout au sens d’ « ignorant », de « peu intelligent ». Avec toutefois le plus souvent la nuance familière, et moins péjorative, de « qui ne possède pas la moindre connaissance en un domaine particulier » : Il est complètement béotien en musique classique. Auquel cas nous conseillons à cette personne d’écouter des chroniqueurs agréables et cultivés tels, entre autres, qu’Ève Ruggieri, Christian Morin ou Alain Duault !