Hommes et femmes d’esprit

Le premier des « égos »

           Génie littéraire, Victor Hugo ne montra pas toujours de la modestie. C’était connu… Un jour, il rencontra Leconte de Lisle (1818-1894), autre rimeur de qualité, comme l’on sait. L’auteur des Misérables demanda alors au chef de file des poètes parnassiens :

            « Vous ne devineriez jamais à quoi je pensais !?…

            –       Sans doute à quelque œuvre nouvelle, maître…

           –       Non : je songe à ce que je pourrai dire à Dieu quand je me trouverai en sa présence…

            –       Oh ! Vous lui direz : « Cher confrère… ». »

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Logique !…

            « On ne perd jamais rien à être poli, dit un jour quelqu’un à Raymond Bernard (1891-1977), fils du fameux romancier, dramaturge et très brillant homme d’esprit Tristan Bernard (1866-1947).

              –  Si : sa place dans l’autobus ! », rétorqua le scénariste et cinéaste, notamment réalisateur des Misérables, des Croix de bois et du Miracle des loups.

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Casino « ducal »

          Michel d’Ornano (1924-1991), industriel du parfum, fut député, président de conseil général, président de conseil régional, ministre…Il fut donc l’homme fort de la Basse-Normandie pendant plusieurs décennies, et, pour cela, surnommé « le duc de Normandie ». Par ailleurs, il fut maire du « 21e arrondissement de Paris » (c’est l’un des surnoms-slogans de l’élégante station balnéaire de Deauville, fort connue pour son Festival du cinéma américain, ses courses hippiques, ses « planches »-promenade, etc.). Son épouse, Anne d’Ornano, lui succéda à l’hôtel de ville en 1977.

          Un esprit curieux demanda un jour à Michel d’Ornano pourquoi Rip (1884-1941) – chansonnier, revuiste, auteur de comédies musicales et dessinateur qui fut très coté ; à l’état civil : Georges-Gabriel Thenon – avait une rue à son nom à Deauville. Celui qui était alors le premier magistrat de la ville répondit avec finesse : « Il a tellement perdu au casino ici que la municipalité du temps a cru lui devoir une… plaque ! ».

27 juin 2014.

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Le « bourreau de mes thunes », version d’outre-Manche

L’écrivain et humoriste George Bernard Shaw, comme tous les contribuables britanniques, devait remplir une déclaration (non « des impôts », comme le disent couramment un certain nombre de personnes, mais de revenus). Le formulaire contenait entre autres la question suivante : « Partagez-vous vos revenus ? Avec qui ? ».

            Chaque année, Shaw répondait donc : « Oui : avec mon percepteur. »

(« Bourreau de mes thunes » est un calembour dû, sauf erreur, au chansonnier Jean Rigault, sur le sobriquet d’un des catcheurs qui, à l’époque, furent très médiatisés par des émissions télévisées sportivo-comiques  : le Bourreau de Béthune.)

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L’écrivain Oscar Wilde…

Un auteur, déçu par l’accueil très réservé que l’on… réservait à ses oeuvres (mais l’accueil était peut-être à la hauteur du « talent » de l’individu), s’en plaignit un jour à Oscar Wilde :

« On a sûrement organisé contre moi une conspiration du silence ! Que puis-je faire !?

–  … Entrer dans la conspiration ! »

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Mme de Sévigné…

La célèbre épistolière pouvait avoir la dent dure… Alors qu’on vantait devant elle l’esprit d’un homme… auquel elle-même ne portait pas beaucoup d’admiration, elle fit remarquer :

« Oh oui ! Il a certainement beaucoup d’esprit… puisqu’il en dépense si peu… »

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Talleyrand, encore et toujours…

Le « Diable boiteux » fit un jour convoquer un fournisseur militaire cossu… Mais on revint lui dire que ce dernier était parti « prendre les eaux ». Talleyrand laissa alors tomber :

« … Il faut donc qu’il prenne toujours quelque chose… »

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Georges Feydeau…

Le célèbre vaudevilliste fut imité, copié, pillé, par des auteurs qui se servaient sans pudeur des gags scéniques et des bons mots figurant dans ses pièces… Celles-ci étaient une vraie mine pour les médiocres à court d’idées. Un jour, un de ces plagiaires  –  qui était aussi un flatteur : cela va souvent de pair  – se confondit en compliments devant Feydeau :

 » Maître, votre théâtre est pour nous tous, la jeune génération, un enseignement très précieux… Heu… Une véritable école de…

–  … une école, oui : une école des… Mines… »

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La comédienne et cantatrice Sophie Arnould…

Actrice de la Comédie-Française, Mlle Beaumenard reçut d’un de ses admirateurs, un fermier général, une somptueuse rivière de diamants, qu’elle ne manqua pas d’exhiber très largement…  Comme une autre comédienne faisait remarquer que la rivière descendait très bas, au-delà du décolleté profond, Sophie Arnould s’exclama : « C’est qu’elle retourne à sa source ! »

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Talleyrand…

Lors d’une partie de cartes entre nobles, à Vienne, Talleyrand avait été « rincé » par le comte de Palfy, qui lui avait gagné, en une soirée, une somme colossale, suffisante pour faire construire et meubler un château…

Par délicatesse, et non par ironie, le comte en fit les honneurs au « Diable boiteux », en lui demandant ce qu’il en pensait. Mi-figue mi-raisin, Talleyrand marmonna : « Pas mal… Pas mal, pour un château… de cartes ! ».

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L’acteur François Périer…

Alors jeune élève du Conservatoire national d’art dramatique, il se fait reprendre sarcastiquement par son professeur Louis Jouvet : « Si Molière voit comment tu interprètes Dom Juan, il doit se retourner dans sa tombe ! ».

Sans se démonter, l’apprenti comédien réplique du tac au tac : « Comme vous l’avez joué avant moi, ça le remettra en place ! »

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L’épouse du maréchal de Boufflers…

Les combats, les amours, la bonne chère et la boisson ont tenu le maréchal de Boufflers très souvent loin du logis conjugal… Quand il décède, sa veuve ne semble pas des plus affligées, car, alors qu’on lui fait remarquer : « Le maréchal va sans doute beaucoup vous manquer », elle réplique : « Peut-être. Mais maintenant, au moins, je saurai où il passe ses nuits… »

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L’écrivain, auteur dramatique, Marcel Achard…

Peu confraternel à l’égard d’un « collègue », il l’exécute (à juste raison, peut-être) en répondant, à un ami qui lui demandait : « As-tu aimé sa pièce ? »« Non, pas beaucoup. Il faut dire que je l’ai vue dans de mauvaises conditions : le rideau était levé… ».

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L’homme d’Etat britannique Benjamin Disraeli…

William Gladstone et Benjamin Disraeli furent de farouches ennemis : ces deux hommes d’Etat furent sans cesse en concurrence pour le poste de Premier ministre du royaume. Leurs échanges verbaux étaient inspirés par la haine, et les propos constamment venimeux…

Un jour, Gladstone lança : « Vous, vous finirez pendu ou miné par une maladie vénérienne ! ».

Impavide, Disraeli répliqua : « Cela dépendra, cher ami, de qui j’aurai épousé : vos principes, ou votre maîtresse… ».

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