Archives de Tag: Chine

Le mot du 13 septembre 2020 (1)

La question du jour (et la réponse)

  « Monsieur Colignon,

            J’aurais besoin de vos lumières.

            Dans  un  livre  –  traduit  de  l’anglais  –  sur  les  samouraïs, le traducteur parle d’un « empereur retiré » qui voulait que son fils devienne empereur…

            Je suis un peu surpris que le mot retired ait été traduit par « retiré », alors que retirement veut dire « retraite ».

            Mais pensez-vous que l’on puisse parler d’un empereur « retraité » ou « en retraite », alors qu’on se situe au XIe siècle ?

            Finalement, « empereur retiré » est peut-être valable…

            Qu’en pensez-vous ? 

            Par ailleurs, est-ce que samouraïs japonais ne serait pas un pléonasme ?»

Sans entrer dans tous les détails, s’agissant de la Chine, du Japon, de la Corée et du Vietnam, on peut dire que « empereur retiré » est un titre qui a été utilisé de temps en temps dans les régimes féodaux d’Extrême-Orient, généralement par d’anciens empereurs qui, au moins sur le papier, avaient abdiqué volontairement en faveur de leurs fils. (Je dis bien « généralement » !)

Au Japon, on a, ainsi, appelé insei  (« loi du cloître ») un système de gouvernement, dit « de gouvernement retiré », d’anciens empereurs, qui, bien que s’étant officiellement mis à la retraite, en quelque sorte, et étant devenus moines bouddhistes   –   d’où l’autre nom d’ « empereurs cloîtrés »   −   continuaient dans les faits à exercer le pouvoir.

Sauf erreur, « samouraï(s) japonais » est bien un pléonasme, qu’il faut éviter puisque cela introduirait un faux sens laissant entendre qu’il y aurait eu des samouraïs dans d’autres pays… 

On ne se laissera pas « enduire d’erreur » par les humoristes qui, pratiquant l’à-peu-près et jonglant avec la prononciation, évoquent un « samouraï de Chine » !!!

Le mot du 11 août 2015

médaille

 

     Après quelques journées de chauvinisme quelque peu exalté, de commentaires pleins d’un enthousiasme  sympathique ou par trop entaché d’enflure, un certain nombre de médias reviennent à plus de mesure, de sobriété, de justesse, au sujet du nombre des médailles remportées par les nageurs français aux championnats du monde qui viennent de se dérouler à Kazan, en Russie.

            La France est revenue avec 6 médailles sur les quelque 120 distribuées. Les États-Unis en ont remporté 23, l’Australie 16, la Chine 13, la Grande-Bretagne et la Hongrie 9, la Suède 6 aussi, l’Italie 5, et une demi-douzaine de pays 4 médailles chacun…

            Versant tout à coup, à l’inverse, dans le pessimisme, certains mettent alors en évidence que les nageuses françaises sont revenues bredouilles et que les médailles masculines sont dues aux mêmes athlètes, qu’il n’y a pas de relève à l’horizon, etc. Ils ne voient plus, ces commentateurs, que les… revers des médailles !

            Médaille est issu de l’italien medaglia, qui a désigné une petite monnaie ancienne d’une valeur d’un demi-denier, qui fut en usage dans les États pontificaux, dans le nord de l’Italie, à Malte… En français, le terme est donc apparu, à la fin du XVe siècle, pour dénommer une pièce d’or circulant en Italie et au Levant. Puis le mot désignera une pièce de métal précieux attribuée en récompense de services, de certains mérites, et aussi une plaque de métal décernée aux membres de certaines professions (médaille de garde champêtre).

            De nos jours, on ne traite plus de « vieille médaille » une femme âgée, mais médaille en chocolat se dit toujours pour parler d’une récompense de peu de valeur…

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La bourde du jour

            Personne n’est omniscient, je l’ai dit très souvent…  Toutefois, quand on est journaliste, la réflexion et le bon sens devraient inciter au doute, à la méfiance, et permettre d’éviter de dire ou d’écrire de grosses bêtises. Une journaliste de France 3 Bretagne aurait, ainsi, pu ne pas… désinformer les téléspectateurs,  les  induire  en  erreur.   En  effet, affirmer que La Fayette avait « commandé » l’Hermione est une énormité : le marquis n’a été qu’un passager de la fameuse frégate, car jamais il n’a été marin, jamais il n’a suivi de formation militaire dans le domaine de la navigation…

            Celui qui a testé l’Hermione, puis l’a commandé, emmenant La Fayette en Amérique, est évidemment un marin, lui, qui sera sans doute le plus grand marin du Consulat et finira vice-amiral : Latouche-Tréville (Rochefort, 1745 – mort à bord du Bucentaure, 1804).

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L’articulet « dico » du jour

durer   verbe intransitif

Le participe passé de durer reste toujours invariable : les travaux ont duré trois ans ; les deux semaines qu’ont duré les assises. Le complément n’est pas un complément d’objet direct, mais un complément circonstanciel de temps, qui n’implique pas l’accord.  Il ne peut pas y avoir de réponse aux questions « a duré quoi ? » ou « a duré qui ? ».

Ne pas se laisser influencer par endurer, verbe transitif, lui, qui peut avoir des compléments d’objet directs : les souffrances qu’il a endurées.

 

 

Le mot du 16 août 2014

fossé

          Le pape François a, au cours d’une messe célébrée en Corée du Sud (et non en « Sud-Corée », n’en déplaise aux adorateurs du franglish) dénoncé le fossé croissant entre riches et pauvres, y compris à l’intérieur d’un même pays. Faisant allusion au courage et à l’esprit de charité qui furent le propre de martyrs coréens qu’il béatifiait, le souverain pontife a déclaré : « Leur exemple à beaucoup à nous dire, à nous qui vivons dans des sociétés où, à côté d’une immense richesse, la pauvreté extrême croît silencieusement, où le cri du pauvre est rarement écouté […]. »

          Les proverbes et expressions liés à fossé ne sont guère usités de nos jours : Ce qui tombe dans le fossé est pour le soldat : « ce qu’on a laissé tomber est pour celui qui le ramasse » ; Au bout du fossé la culbute : un proverbe qui semblait peu compréhensible à Littré lui-même ainsi qu’à beaucoup de linguistes ! Pourquoi y aurait-il une culbute alors que l’on serait déjà dans un creux, un fossé !? Faut-il y voir une façon elliptique de dire : « au bout du terrain, il y a [forcément] le fossé, donc la culbute » ? Sauter le fossé est plus évident, c’est prendre une forte résolution, « franchir le pas », voire « brûler ses vaisseaux »… Quant au grand fossé, c’est, clairement, la tombe, le tombeau.

            Ponson du Terrail et d’autres romanciers-feuilletonistes prolifiques ne prenaient pas le temps de relire leur copie – que les éditeurs avaient sans doute le tort de ne pas faire passer par le filtre bienfaisant de correcteurs professionnels. D’où d’impayables et hilarantes bourdes telles que : « Elle avait la main froide d’un serpent » ; « « Ah ! », dit don Manoel en portugais » ; « Victorine continua sa lecture en fermant les yeux » ; « Cette femme avait […] une taille svelte et souple qu’une main d’homme eût emprisonnée dans ses dix doigts ». Et, si les œuvres bien oubliées de l’auteur dramatique Adolphe Dumas n’assurent pas son souvenir, cet écrivain reste connu pour son… inénarrable « hareng saur » : « Je sortirai du camp, mais quel que soit mon sort / J’aurai montré, du moins, comme un vieillard en sort. ».

            Se rangeant sous la bannière de Ponson, quelques écrivains et journalistes n’hésitent pas à écrire audacieusement que la Grande Muraille [de Chine] est un… « fossé » qui fut dressé pour protéger la frontière nord du Céleste Empire contre les tentatives d’invasion !